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Cuadecuc, vampir - Pere Portabella (1971)

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Producteur de cinéma à la fin des années 50 avec sa société Films 59, avec laquelle il produisit le troisième long métrage de Marco Ferreri, La petite voiture (1960), ou Viridiana de Luis Buñuel, scandaleuse Palme d'or en 1961 tournée en terres franquistes, Pere Portabella se lança dans la réalisation à la fin de la décennie suivante avec Nocturno 29 (1968). Première collaboration entre le natif de Figueras, le poète et auteur dramatique avant-gardiste Joan Brossa et le compositeur Carles Santos, son premier long métrage fut suivi par plusieurs documentaires, dont deux consacrés au peintre Joan Miró. Figure du cinéma catalan, partisan d'un cinéma contestataire, symbolisé par sa critique des conventions cinématographiques et son engagement politique, Pere Portabella présenta en 1971, lors de la Quinzaine des Réalisateurs, un documentaire unique, aboutissement de ses premières expérimentations formelles, nommé Cuadecuc,Vampir. Réalisé sur le tournage Des Nuits de Dracula du madrilène Jesús Franco, ce film hybride oscillant entre le making of expérimental et la fiction post-expressionniste s'inscrit, on l'aura compris, comme un indispensable objet filmique non identifié à découvrir, et édité depuis en Blu-ray par Second Run et par Severin Films[1]


Rappel des faits. Deux ans plus tôt, en 1969, Jess Franco mettait en scène l'adaptation du roman de Bram Stocker, avec le soutien de l'acteur britannique Christopher Lee dans le rôle titre. Pour la première fois depuis le chef d'œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau en 1922, qui en était une version non autorisée par les ayants droit, une adaptation des plus fidèles de Dracula était réalisée, en attendant celle de Francis Ford Coppola. Coproduction européenne [2], sous la houlette du britannique Harry Alan Towers, Les nuits de Dracula, en dépit de ses moyens limités, offrait à Jess Franco, entouré d'un cercle d'acteurs complices, une variation classique sinon matricielle du mythe vampire, avant que celui-ci n'entame les années suivantes sa vision personnelle et féministe, avec Vampyros Lesbos et La comtesse noire [3].

D'un projet unique en son genre, sinon rare, à savoir celui de tourner une relecture formelle au milieu des décors et de l'équipe d'un film en cours de tournage, Cuadecuc dépasse toutefois le « simple cadre » du making of expérimental. Déstabilisant, envoutant, fascinant, les mots ne manquent pas pour définir l'expérience à laquelle est convié le spectateur par le trio Portabella, Brossa et Santos. Muet, sans dialogue, à l'exception de sa conclusion, tourné en 16 mm, avec un noir et blanc très contrasté, le film se caractérise sans surprise par sa radicalité, à l'instar de la bande sonore composée par Carles Santos.
 
 
Film fantôme, alternant les séquences filmées en coulisse et celles mises en scène par Jess Franco, avec clins d'œil des actrices à la caméra et techniciens préparant lesdites séquences, Cuadecuc s'abstient volontairement de tout commentaire explicatif. Tant mieux. Suivant le récit originel (on notera l'absence remarquée des scènes avec Klaus 'Renfield' Kinski), Portabella offre à la fois un condensé du film premier et une réflexion sur les codes du cinéma conventionnel. Post-expressionniste dans sa forme, Cuadecuc s'empare enfin au mieux de la mythologie vampirique pour mettre en accusation, même de façon détournée, le régime franquiste, le Caudillo pouvant être assimilé à un vampire. Mieux, de par l'utilisation d'un titre en catalan [4], le long métrage s'inscrit, rien de moins, comme un acte militant de désobéissance.

Unique.


Cuadecuc, vampir | 1971 | 67 min | Noir & blanc
Réalisation : Pere Portabella
Scénario : d'après une idée de Pere Portabella et Joan Brossa
Avec : Christopher Lee, Herbert Lom , Soledad Miranda, Jesús Franco, Maria Rohm, Paul Muller, Fred Williams, Jack Taylor
Musique : Carles Santos
Directeur de la photographie : Manel Esteban
Montage : Miguel Bonastre
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[1] En guise de supplément au film de Jess Franco.

[2] Espagne, Italie, République fédérale d'Allemagne, Grande-Bretagne, Liechtenstein.

[3] Ajoutons également ses variations ludiques à l'image de La fille de Dracula ouDracula prisonnier de Frankenstein

[4] Au même titre que la langue basque, le catalan était interdit sous l'Espagne franquiste.


Autopsie d'un meurtre - Otto Preminger (1959)

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L'histoire est connue. Cinéaste d'origine autrichienne, installé aux États-Unis depuis le mitan des années 30, Otto Preminger devint dix ans plus tard l'un des plus grands réalisateurs de l'âge d'or hollywoodien. Indissociable à ses débuts de la 20th Century Fox [1], auteur de films noir devenus classiques du genre (Laura en 1944 et Fallen Angel en 1945), Preminger entama au début des années 50 une carrière unique de réalisateur-producteur qui lui offrit, cas extrêmement rare à l'époque, une notable autonomie en marge des grands studios (suscitant de fait l'admiration de la cinéphilie européenne), et des pressions exercées par les ligues morales, à l'image du classique L'Homme au bras d’or(1955) ou l'un des premiers longs métrages de cette période traitant explicitement de la drogue. Dans la foulée de son adaptation pour le cinéma de Porgy and Bess avec Sidney Poitier et Dorothy Dandridge, Preminger réalisait en 1959 Autopsie d'un meurtre avec James Stewart, d'après le roman éponyme de John D. Voelker. Modèle inégalé du film de procès, ce portrait féroce et amer du système judiciaire étasunien reste encore aujourd'hui un classique du genre. Édité par Carlotta, Autopsie d'un meurtre est désormais disponible en édition prestige, Blu-ray/DVD, dans sa nouvelle restauration 4K depuis le 30 octobre 2019.

Plus ou moins retiré des affaires, depuis qu'il a quitté son poste d'avocat général, Paul Biegler (James Stewart) occupe son temps à la pêche, joue au piano et plaide de temps en temps pour maintenir à flot son cabinet quelques affaires tels les divorces de "Jane Truc et Jean Fric". Un jour, ce dernier est contacté par Laura Manion (Lee Remick), dont l'époux, le lieutenant Frederick Manion (Ben Gazzara), est jugé pour le meurtre de Barney Quill, qu'il accuse d'avoir violé sa femme. Après avoir mené l'enquête avec son associé Parnell McCarthy (Arthur O'Connell), Biegler constate que Manion ne semble n'avoir aucun souvenir de ses actes, suggérant que celui-ci a tué sous l'emprise d'une "impulsion irrésistible". Biegler va tenter de plaider la folie passagère pour éviter la condamnation de son client… 
 
 
Tiré du best-seller de John D. Voelker, d'après une authentique affaire criminelle qui, comme le veut la formule, défraya la chronique en 1952, le long métrage porte l'empreinte du talent de Preminger, alors au sommet de son art. Passé maitre dans l'écriture cinématographique, dédaignant les effets de style au profit d'une mise en scène aussi inventive que discrète, le cinéaste signe avec Autopsie d'un meurtre autant un chef d'œuvre de précision qu'un de ses films les plus âpres et une attaque en règle non dissimulée envers le code Hays (qu'il avait débuté en 1953 avec The Moon is Blue et ses dialogues explicites).

De l'enquête policière à la chronique de mœurs, en passant par la chronique judiciaire, le scénario de Wendell Mayes multiplie, au gré d'une ironie mordante, les jeux de pistes. De ce tableau d'une justice incapable de révéler et de relever la vérité objective, et où la manipulation a finalement plus d'importance que les faits, Preminger montre, non sans humour, les tenants et les aboutissants d'un procès spectacle qui se définit par ses jeux d'influences. Désabusé, le nonchalant Biegler s'oppose avec verve aux représentants du ministère public, dont le carnassier procureur Dancer (George C. Scott), chacun dissimulant ses atouts dans l'espoir de placer ses meilleures cartes afin de faire tomber l'adversaire.  


Tourné dans une véritable salle d'audience, fidèle dans les grandes lignes au roman originel, Autopsie d'un meurtre, le film, non content d'avoir comme sujet le meurtre et le viol, fut au centre d'une polémique par son utilisation de mots, jamais utilisés depuis l'instauration dudit code. De la question si "le défunt avait eu ou non un orgasme sexuel" à la recherche de "la présence de sperme sur la personne de Mme Frederick Manion", le long métrage fut dans un premier temps victime de la censure. Anecdotique quoique symptomatique du climat de l'époque, l'évocation du slip perdu de Laura Manion occupera également les débats, à la fois dans, le juge regrettant de ne pouvoir trouver un autre terme moins suggestif et dangereux, et en dehors du film.

Enfin, sans surprise, Autopsie d'un meurtre se distingue par sa direction d'acteurs. Salué par un prix d'interprétation à la Mostra de Venise, James Stewart, en avocat désenchanté, s'écartait de ses habituelles compositions d'américain idéal, quitte à froisser son public le plus conservateur. Mieux, d'un rôle dévolu originellement à l'incendiaire Lana Turner, la superbeet débutante Lee Remick répondait à l'animalité froide du jeune Ben Gazzara, George C. Scott jouant quant à lui les trublions. 


Ajoutons au besoin le générique de Saul Bass et la musique de Duke Ellington, Autopsie d'un meurtre compte parmi les plus belles réussites d'Otto Preminger et du cinéma classique hollywoodien.




Anatomy of a Murder (Autopsie d'un meurtre) | 1959 | 161 min | 1.85 : 1 |Noir & Blanc
Réalisation : Otto Preminger
Scénario : Wendell Mayes d'après le roman éponyme de John D. Voelker
Avec : James Stewart, Lee Remick, Ben Gazzara, Arthur O'Connell, Eve Arden, Kathryn Grant, George C. Scott  
Musique : Duke Ellington
Directeur de la photographie : Sam Leavitt
Montage : Louis R. Loeffler
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[1] Otto Preminger fut remarqué en 1934 par Joseph Schenck, un des co-fondateurs de la Fox.

[2] Interprété par Joseph N. Welch, véritable avocat à Boston connu pour avoir « fait tomber » le sénateur McCarty.

Vampire, vous avez dit vampire ? - Tom Holland (1985)

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Auteur des scénarios de Class 1984 (1982) puis de Psychose II (1983), Tom Holland écrivit et réalisa son premier long métrage, Vampire, … vous avez dit vampire ?, au mitan de la décennie. Quelque peu refroidi par les adaptations de ses précédents scénarios, The Beast Within (1982) et Scream for Help (1984), pour ne pas les citer, Holland signa en 1985 avec cette comédie horrifique un succès critique et public inattendu, d'aucuns diraient culte tant le film s'inscrivait idéalement, encore aujourd'hui, dans son époque. Hommage au cinéma d'horreur classique, et en particulier au mythe du vampire, Fright Night est désormais disponible en Blu-ray et DVD dans sa restauration 4K depuis le 30 octobre 2019.

Fan de cinéma d'horreur et de l'émission Vampire, ... vous avez dit vampire ? présenté par Peter Vincent (Roddy McDowall), l'adolescent Charley Brewster (William Ragsdale) découvre un soir, depuis sa chambre, l'arrivée de son nouveau voisin Jerry Dandrige (Chris Sarandon) qui porte un cercueil. Convaincu que celui-ci est un vampire depuis l'annonce par la police de plusieurs cadavres de jeunes femmes retrouvés mutilés, Charley demande l'aide auprès de Peter Vincent, face à l'incompréhension de ses proches et de la police locale...
 
Lauréat de trois prix aux Saturn Awards dont celui du meilleur film d'horreur, du meilleur scénario et enfin du meilleur second rôle pour Roddy McDowall, Vampire, vous avez dit vampire ? se distinguait des récentes productions horrifiques datant de la première moitié de la décennie. A contre-courant de la mode des serial killers et autres resucées de Michael Myers et Jason Voorhees, à l'image de la réplique écrite par Holland dans la bouche d'un aigri et licencié Peter Vincent (clin d'œil évident à Peter Cushing et Vincent Price) [1], le long métrage payait donc son tribut aux classiques du cinéma fantastique. D'un récit riche en références écrit par un scénariste vampirophile orthodoxe [2], le film, on l'aura compris, n'avait pas vocation à offrir une version modernisée du vampirisme, mais plutôt à se définir comme un divertissement nostalgique jouant avec les codes pré-établis du genre horrifique pour adolescents. Dont acte.


D'un argument évoquant fortement le scénario de Scream for Helpécrit par Tom Holland et mis en scène par Michael Winner l'année précédente, ou l'histoire d'une adolescente qui découvre que son beau-père essaie de l'assassiner, elle et sa mère, mais qui n'arrive pas à faire croire aux autres la menace qui pèse sur elles, Vampire, vous avez dit vampire ? se démarque davantage par son atmosphère fantastique, et par son humour, que par la complexité de son scénario. Mélange efficace de frissons et de rires, du moins dans sa première partie, avant que le récit ne glisse davantage vers l'horreur, le film prévaut par sa direction d'acteurs, Holland se rappelant au bon souvenir de son ancien passé et de ses débuts dans la profession. Chris Sarandon, révélé au mitan des années 70 dans Un après-midi de chien de Sidney Lumet, incarne ainsi un vampire à la dimension érotique recouvrée, une sensualité de mâle mûr qui ne laissera pas indifférente Amy (Amanda Bearse), la petite amie esseulée de Charley, qui ressemble trait pour trait à l'ex-compagne de Dandrige. Quand le croquemitaine 80's tueur en série d'adolescents nous avait habitués à occire la jeunesse ayant découvert la sexualité, Vampire rabat en somme les cartes avec son monstre aux canines pointues amateur de vierge éconduite. D'un rôle originalement prévu pour Vincent Price, Roddy McDowall endosse avec succès, et non sans malice, le rôle de ce faux « grand tueur de vampires » et véritable acteur ringard, réduit à présenter des séries Z sur une chaine du câble. Enfin, sans remettre en cause la prestation de William Ragsdale et Amanda Bearse, respectivement 24 et 27 ans lors du tournage, on restera tout de même mesuré quant au choix des deux comédiens, ces derniers ayant dépassé depuis longtemps l'âge présumé des protagonistes (seul le juvénile Stephen 'Evil Ed' Geoffreys[3], 20 ans, arrive, avouons-le, à faire illusion). Qu'importe.


Produit par la major Columbia, qui laissa à Holland, selon ses propres dires, une totale autonomie, le studio étant plus occupé par le film qui deviendra un de ses plus gros échecs de l'année 1985 [4] (Perfect avec Jamie Lee Curtis et John Travolta), le long métrage devint cette même année le plus gros succès commercial du genre horrifique aux États-Unis, juste derrière La revanche de Freddy. Et un film qui doit en grande partie ce succès justifié grâce aux effets spéciaux conçus par l'équipe de Richard Ghostbusters Edlund, dont Steve Abyss Johnson pour les créatures et Ken Diaz[5] pour les maquillages : des transformations de Evil Ed à la décomposition de Billy Cole (Jonathan Stark), en passant par les maquillages créées pour Chris Sarandon et Amanda Bearse.

Pur produit 80's (gare à la bande originale qui pique), Vampire, vous avez dit vampire ? connut quatre ans plus tard une séquelle, moins réussie, comme le veut l'adage, réalisée par Tommy lee Wallace avec William Ragsdale et Roddy McDowall. Quant au réalisateur, passé un contractuel Fatal Beauty (1987) avec Whoopi Goldberg et Sam Elliott, Tom Holland marqua de nouveau les esprits trois ans plus tard, toujours accompagné de Chris Sarandon, avec le premier volet de la maléfique poupée Chucky avec Jeu d'enfant.

L'édition Carlotta Blu-ray/DVD comporte en guise de suppléments trois entretiens avec Tom Holland et l'équipe du film, plus pour le support Blu-ray, un long documentaire intitulé T'es tellement cool, Brewster, qui revient en détail sur le long métrage.






Fright Night (Vampire, vous avez dit vampire ?) | 1985 | 106 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Tom Holland
Scénario : Tom Holland
Avec : Chris Sarandon, William Ragsdale, Amanda Bearse, Roddy McDowall, Stephen Geoffreys
Musique : Brad Fiedel
Directeur de la photographie : Jan Kiesser
Montage : Kent Beyda
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[1] "Je viens d'être renvoyé, car personne n'est plus intéressé de voir des tueurs de vampires, ni même des vampires. Apparemment, ils ne veulent que des fous se promenant en passe-montagne, hachant par le menu de jeunes vierges".

[2] Tom Holland ayant, à l'époque lors de la promotion de son film, expliqué en long en large et en travers dans la presse son mépris pour Les prédateurs (1982) de Tony Scott.

[3] Stephen Geoffreys qui fera carrière la décennie suivante dans le cinéma pornographique gay sous le pseudonyme de Sam Ritter.

[4] En attendant le supra-échec nommé Ishtar deux ans plus tard avec Dustin Hoffman, Warren Beatty et Isabelle Adjani.

[5] Diaz fut lauréat du Saturn Award des meilleurs maquillages en 2018 pour son travail sur Black Panther.

Emanuelle et les filles de Madame Claude - Joe D'Amato (1978)

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Cinquième long métrage de la série Black Emanuelle mis en scène par Joe D'AmatoEmanuelle et les filles de Madame Claude marqua la fin des aventures de l'héroïne créée, trois ans plus tôt, par Bito Albertini. D'un premier épisode inspiré par le phénoménal succès du film réalisé par Just Jaeckin, ce dernier volet fermait le ban des exploits érotiques de la belle photo-reporter en reprenant à son compte, en guise de clin d'œil opportuniste, le personnage principal du dernier long métrage du cinéaste français, Madame Claude sorti l'année précédente. La boucle était ainsi bouclée comme le veut l'adage.

En reportage à Nairobi, Emanuelle (Laura Gemser) désire obtenir l'interview de Giorgio Rivetti (Venantino Venantini), gangster italien retiré en Afrique pour affaires. Avec l'aide de son amie Susan Towers (Ely Galleani), celle-ci parvient à obtenir les confidences de Rivetti par l'entremise du Prince Arausani (Pierre Marfurt). Au cours son escale kényane, Emanuelle est intriguée par le mystérieux Francis Harley (Gabriele Tinti) rencontré à l'aéroport en compagnie d'une jeune femme handicapée. De retour à New-York, son collègue journaliste Walter lui apprend que Harley loue des jeunes femmes à de riches hommes d'affaires en quête de distractions...

 
 
De nouveau coécrit par Romano Scandariato, déjà coscénariste d'Emanuelle chez les cannibales, le récit d'Emanuelle et les filles de Madame Claude n'avait nulle vocation à surprendre l'habitué.e des lieux. D'un premier tiers situé au Kenya, à l'instar de l'originel Black Emanuelle, ce sixième et dernier volet conviait ainsi, en guise de dernier tour piste, plusieurs acteurs déjà croisés précédemment, de l'incontournable Gabriele Tinti à Ely Galleani et Venantino Venantini, vus tous deux dans Black Emanuelle en Orient, ou la première séquelle officielle mis en scène par Joe D'Amato. De ce recyclage des thèmes usés jusqu'à la corde, constitué comme il se doit du trio magique, saphisme, voyeurisme et masturbation féminine, il convient dès à présent d'avertir toutefois les déviants venus se repaitre une dernière fois.

Si le précédent long métrage avait quelque peu fait illusion par son hybridation opportuniste, soit faire cohabiter en un seul tenant sexploitation et film de cannibales, le scénario de Emanuelle et les filles de Madame Claude confirme au demeurantl'absence remarquée de Maria Pia Fusco, responsable des scénarios des trois meilleurs épisodes de la série.
 

Comme la première demi-heure de Black Emanuelle autour du monde, Joe D'amato enclenche le pilotage automatique durant l'escale africaine de la belle métisse. Dernière dédicace de la série au genre Mondo, le film offre le meilleur des situations plus ou moins convenues et attendues, du safari sur terre et dans les airs (et vice-versa, le montage alternant sans aucune raison évidente les plans en van et en montgolfière), rencontre avec une tribu massaï (moins l'épilogue de Black Emanuelle en Orient quand celle-ci recevait les hommages courtois de bédouins croisés dans le désert marocain), plus débordement des sens et autre agitation sexuelle stimulée par cette nature insolente et primitive. Reste ce sympathique aparté dans un garage Nairobien où Susan propose au mécano du cru ses charmes en échange de ses services.
 

A New-York, Emanuelle retrouve la piste de Francis Harley, rabatteur de chair fraîche au service de madame Claude, qui tient une pension très spéciale non loin de San Diego. Témoin dans un hôtel de la mise aux enchères de jeunes femmes vendant leurs attributs aux plus offrants, Emanuelle se fait passer auprès de Harley pour une demoiselle sans le sou et prête à vendre ses charmes. Passé un deuxième tiers centré sur le personnage interprété par Gabriele Tinti, la dernière partie d'Emanuelle et les filles de Madame Claude se focalise, enfin, sur la maison close de ladite madame. De ces deux derniers tiers de métrage, la nostalgie des précédents débordements trash et pornographiques pourra trouver un quelque réconfort par le savoir-faire voyeuriste du maestro bis. D'Amato nous distille trois scènes érotiques qui raviront les amateurs et amatrices du genre : de la séquence décrite plus haut avec une Emanuelle armée, cette fois-ci, de son briquet appareil photo, à celle dite du trou de serrure, sans oublier celle qui émut, les quelques censeurs égarés, où Emanuelle donne de sa personne, masse et plus si affinités un vieux sénateur, sous l'œil bienveillant de madame Claude accompagnée d'une de ses protégées.


De ce florilège de la soft sexploitation 70's, le personnage de Stefan (Nicola D'Eramo[1]), travesti et « homme » de main de madame Claude, s'écarte, on l'aura compris, des personnages habituels en sa qualité de garde-chiourme eunuque et assimilé. Dommage que son traitement, qui aurait sans aucun doute gagné en épaisseur et en pessimisme sous l'écriture de Maria Pia Fusco, n'ait donc pas été davantage exploité. Reste un personnage supposé asexué, à la solde d'un pouvoir patriarcal vieillissant, qui sera libéré par Emanuelle dans son rôle d'agente perturbatrice, et dont ledit pouvoir lui fera payer le prix fort de cette rébellion[2], en dépit de son numéro de karatéka portnawak.

 
Édité en DVD en 2009 par Severin Films, Emanuelle et les filles de Madame Claude, sans faire ombrage aux anciens volets de cette série bis culte, s'inscrit en somme comme une synthèse habile mais anecdotique des précédents thèmes. Réalisateur du dernier chapitre des aventures de la belle photojournaliste d'investigation, D'Amato semblait déjà avoir la tête ailleurs, vers d'autres horizons plus extrêmes, qui le verront franchir de nouveau la limite avec Blue Holocaust (1979) et Sesso Nero (1980). A suivre...
 






La via della prostituzione (Emanuelle et les filles de Madame Claude) | 1978 | 88 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Joe D'Amato
Scénario : Romano Scandariato et Joe D'Amato d'après une histoire de Joe D'Amato
Avec : Laura Gemser, Ely Galleani, Gabriele Tinti, Venantino Venantini, Pierre Marfurt, Gota Gobert
Musique : Nico Fidenco
Directeur de la photographie : Aristide Massaccesi
Montage : Vincenzo Tomassi
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[1] Nicola D'Eramo qui jouait déjà le rôle d'un travesti dans Milano: il clan dei Calabresi (1974) de Giorgio Stegani.

[2] Avec en prime, une fois encore, le viol de l'héroïne (sic).

Sesso nero - Joe D'Amato (1980)

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Re : L'histoire est connue des initié.e.s. Après avoir donné ses lettres de noblesse déviante à la série Black Emmanuelle avec la belle métisse Laura Gemser entre 1976 et 1978, le réalisateur bis Joe D'Amato quittait les rives de la soft sexploitation, non sans en avoir redéfini les limites à grand renforts de provocation ultime, pour franchir de nouveaux seuils de tolérance au grand dam des censeurs du monde entier. Passé quelques Mondos bricolés à la va-vite (enfin plus qu'à l'accoutumée), Joe D'Amato faisait encore parler de lui dans les milieux concernés avec son premier long métrage 100 % gore, Blue Holocaust (1979), ou la romance nécrophile d'un jeune taxidermiste dans l'Italie du Nord. Mieux, le Romain avec l'aide de son comparse Luigi Montefiori, alias George Eastman, embarquait pour Saint-Domingue en République Dominicaine, où furent mis en scène plusieurs longs métrages qui marquèrent durablement le cinéma d'exploitation et la pornographie européenne : Hard Sensation, Exotic Love, Porno Holocaust, Orgasmo nero, La nuit fantastique des morts-vivants et enfin, celui qui nous intéresse Sesso nero[1]. Un étalon (moustachu), de jolies filles, une destination paradisiaque, tous les éléments étaient réunis pour faire de ce Sexe noir un modèle du genre. Et bien plus encore, car c'était sans compter la capacité de Joe D'Amato à sortir, faut-il encore le rappeler, des sentiers battus. Mais n'allons pas trop vite.

Atteint d'une hypertrophie de la prostate, Mark Lester (Mark Shannon), homme marié et coureur de jupons cynique, doit se résigner à une ablation qui le rendra impuissant. En accord avec son chirurgien, il décide de déplacer de quinze jours la date de l'opération afin de se réfugier à Saint-Domingue, là où il était tombé follement amoureux de la jeune Marja (Annj Goren). A son arrivée, Mark est persuadé de la voir à chaque coin de rue, tandis que Jacques (George Du Brien) lui annonce que Marja s'est suicidée après leur rupture. Entre ses crises de douleur et ses hallucinations, Mark commence à perdre la raison...
 
 
Filmé en novembre 1979, d'après un scénario de George Eastman[2], qui interprète le temps d'une scène l'une des amis de Mark, et propriétaire d'un club, Sesso nero s'inscrit idéalement dans la série des longs métrages précités et tournés à Saint-Domingue. Mieux, Sesso nero constitue, une fois encore, la preuve du caractère misandre des longs métrages réalisés par cet artisan de la sexploitation depuis Emmanuelle et Françoise (1975). Premier film hardcore italien distribué dans les salles, Sesso nero est ainsi, aussi et surtout, l'alpha et l'oméga du film pornographique mortifère, sur les traces d'un Black Emanuelle autour du monde dont la version uncut, trois ans plus tôt, se démarquait déjà par son atmosphère malaisante inédite, loin, très loin de la complaisance supposée des films de ce genre. 

 
Du canevas classique du film Mondo, soit un savant mélange d'exotisme, d'érotisme, le tout saupoudré cette fois-ci, pour faire couleur locale, de clichés vaudou, le scénario emprunte, sans surprise, dans la lignée des films appartenant au cycle caribéen de Joe d'Amato, autant au fantastique, par les apparitions de la défunte Marya, qu'au gore, par sa conclusion tranchante. Aspiré par une spirale guidée par Éros et Thanatos, Mark est décrit comme un personnage cynique et détestable. Marié par intérêt à Liza (Lola Burdan), ce dernier débarque sur l'île sans l'en informer, parti en vain à la recherche de son seul et unique amour qu'il avait abandonné une dizaine d'années auparavant. Sans changer une once de son comportement misogyne, Mark profite de ses derniers instants de virilité pour faire chanter et abuser sexuellement Lucia (Lucía Ramírez), ex-prostituée et petite-amie de Jacques, ou violer sa propre femme. Pire, dans ce contexte délétère, l'égocentrisme des autres personnages du film, Jacques et Liza, conforte la morale pessimiste et le désespoir trouble qui règne au sein de Sesso nero

Victime de ses propres démons, hanté par des visions obscènes, Mark est témoin des ébats sexuels de Marya. Plongeant à mesure, irrémédiablement, dans la folie, l'issue fatale apparait des plus inévitables. Variation bis du Vertigo d'Alfred Hitchcock, Sesso nero, n'est pas, on l'aura compris, le film pornographique auquel le public non D'Amatophile pouvait s'attendre. Tant mieux. Quant aux scènes présumées émoustillantes, comme le laisse présager l'ambiance morbide du long métrage, celles-ci conduisent aussi, de par leur décalage, à accroitre le malaise. 


Marqué par la présence des égéries de Joe D'Amato, l'italienne Annj Goren et la dominicaine Lucia Ramirez, la distribution compte également dans les rangs Mark Shannon (alias Manlio Cercosimo), un des premiers hardeurs italiens, connu principalement pour ses films avec Joe D'Amato. Mis en musique par le fidèle Nico Fidenco, et en dépit de conditions de production brutes, Sesso nero n'a rien perdu, près de quatre décennies après sa sortie, de son charme vénéneux. Le film fut édité en zone 2 par Bach Films en 2016 avec Orgasmo Nero (Les plaisirs d'Hélène).

Culte.

 
  
Sesso nero | 1980 | 79 min | 1.66 : 1 | Couleurs
Réalisation : Joe D'Amato
Scénario : George Eastman
Avec : Mark Shannon, Annj Goren, Lola Burdan, Lucia Ramirez, George Du Brien, George Eastman
Musique : Nico Fidenco
Directeur de la photographie : Enrico Biribicchi
Montage : Ornella Micheli
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[1] Ajoutons à cette liste Paradiso Blu, signé sous le pseudonyme Anna Bergman, fille d'Ingmar, qui joue les premiers rôles dans cette relecture du Lagon bleu, et le dytique pornographique Blue Erotic Climax / Super Climax signé cette fois-ci du pseudo Alexandre Borsky, le dénommé Claudio Bernabei (scénariste de La mort a souri à l'assassin ou, pour rappel, le premier long métrage officiel de D'Amato signé de son vrai nom Aristide Massaccesi) ayant également coréalisé ces deux longs métrages.

[2] La légende veut que le géant Génois ait proposé à D'Amato, après avoir perdu tout son argent au jeu, d'écrire un scénario en une journée pour un million de lires.

Funky Front Covers - Part XIII

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Comme chaque année, depuis désormais une décennie, voici le rendez-vous annuel de la fin du mois de décembre où le RHCS convie les amateurs et amatrices de sensations fortes. Non content de vous souhaiter nos meilleurs vœux, chantons tous l'avènement de la treizième saison des Funky front covers ©, ou le meilleur du pire des pochettes les plus insolites ou sexuées des musiques funk, disco et consorts des années 70 et 80.

Classique parmi les classiques, afin de débuter en douceur cette nouvelle saison, avant de débrider par la suite nos sens, offrons nous une mise en bouche à base de déguisement :


Formé en 1978, par le duo de producteurs, Dick Griffey, fondateur du label Solar Records, et Leon Sylvers III, Dynasty publie son premier album, Your Piece Of The Rock, l'année suivante. D'une mise en scène inspirée, au hasard, des pochettes de Shalamar (autre formation signée sur Solar), Dynasty se fait remarquer dès ce premier opus dans les charts anglais par leur hit I Don't Want to Be a Freak (But I Can't Help Myself). Datant de 1977, les recherches concernant le groupe de disco allemand Mafia furent plutôt infructueuses. Auteur d'un unique single Push Push Man, écrit par les dénommés H. Carpendale et J. Horn, on aura vite compris les motivations des producteurs à l'écoute de cette resucée teutonne voulant surfer sur le succès de Ma Baker de Boney M. Provenant du Kentucky sous la houlette des frères Calloway, le trompettiste Reginald et le tromboniste Vincent, accompagnés de la chanteuse Belinda Lipscomb, Midnight Star furent déjà les auteurs d'un premier album, The Beginning, à la pochette science-fictionnelle. L'année suivante, leur deuxième opus, signé (de nouveau) chez Solar Records, joue la carte de l'exotisme merveilleux, avec ces costumes évoquant ceux d'Earth, Wind and Fire, le disque leur offrant leur premier hit I've Been Watching You.

Des déguisements, c'est bien, mais entre filles, c'est encore mieux...


Si le nom évoque en nos contrées les enquêtes policières gériatriques d'Angela Lansbury, Arabesque est aussi et surtout le nom d'un groupe disco allemand, connu pour avoir intégré à partir de son second album, City Cats (1979), la dénommée Sandra Lauer. Une demoiselle âgée de 17 ans qui, non contente d'exhiber crânement son aisselle droite sur ladite pochette, connaitra après la dissolution du trio en 1984 une carrière solo, sous son seul prénom, auréolée de quelques succès dont In the Heat of the Night l'année suivante, clin d'œil volontaire, ou non, à l'une des chansons dudit disque, In The Heat of a Disco Night, composé comme toujours par un certain Jean Frankfurter (alias Erich Ließmann), version bis de son compatriote Frank Farian, producteur et tête pensante du quartette Boney M. Autre formation créature d'un producteur omnipotent, dans la grande tradition du disco, le groupe Musique cache derrière ses trois chanteuses l'américain Patrick Adams, ex-collaborateur de Black Ivory (trio croisé lors des Funky Front Covers - Part IX) et qui signa, avec ce premier album, Keep on Jumpin', un des succès de l'année 1978 dans les clubs étasuniens avec le single In the Bush en face A et le titre éponyme en face B. Dernier trio factice, New Paradise, et ses trois nymphettes drapées dans du satin rose en couverture de ce premier album éponyme, est la création du français Leo Carrier, formation qui signera jusqu'en 1983 quatre albums dont un La fête en 1981, avec comme section rythmique, Jannick Top, ex-Magma, à la basse, et un certain Bernard "Minet" Wantier à la batterie et aux percussions.

Rarement évoqué dans les précédentes éditions, cédons la place à quelques illustrations décalées...


Produit par Morty Craft, ancien féru d'easy-listening accompagné de ses Singing Strings durant la décennie 60's, et enregistré sur les terres new-yorkaises, l'unique album de Venus Rising, Live on Venus (1977), a tout de l'objet obscur. On n'en saura pas plus. Reste cette pochette d'une Vénus semi-minérale. Autre disque tout droit sortir d'où on ne sait où, Witch Queen est l'unique album éponyme datant de 1979 d'une formation menée par le producteur italo-canadien Gino Soccio. La même année, il sortit sous son vrai nom l'album Outline, dont le single Dancer lui valut un certain succès dans les clubs outre-Atlantique. En sus de cette pochette en décalage avec l'univers disco, Witch Queen compte deux reprises dansantes de deux classiques du rock, le glam Get It On du T. Rex de Marc Bolan, et encore plus étonnant le All Right Now de Free. D'une pochette qu'on croirait tirée d'un film d'exploitation crapoteux made in Italy, Zebra est le fruit déviant, si on en croit les rares crédits, de la collaboration entre deux producteurs hexagonaux, Alain Lacour et Jean Lahcene, ou une version ultra bis en somme de la bande originale du film Brigade mondaine signée Cerrone la même année. 

Passons enfin aux choses sérieuses avec ces trois pochettes des plus expressives...


Premier album éponyme de Juicy, l'aspect équivoque de la pochette et du nom du groupe a de quoi surprendre en découvrant que cette formation est composée exclusivement d'une fratrie, Jerry et Katreese Barnes. Sorti la même année en 1982 que leur précédent et premier single, Don't Cha Wanna, le disque connut un succès des plus relatifs, les Barnes atteignant une plus grande notoriété avec la chanson Beat Street Strut, incluse dans la bande originale du film du même nom, Beat Strut, ou l'un des premiers longs métrages à s'intéresser à la culture hip-hop en 1984, puis l'année suivante avec leur plus grand succès, la chanson Sugar Free. Autre formation inconnue, provenant du Canada, Champagne explosion cache derrière ce patronyme débordant le couple Denis et Denyse LePage, futur leader du groupe disco québécois Lime (découvert lors des Funky Front Covers - Part X). Composé pour moitié, soit la face A, par Peter Di Milo, la seconde face contient deux reprises, Love Now, Hurt Later de Giorgio Moroder, tiré de l'album Love's in You, Love's in Me, et plus surprenant une relecture du Jesus Christ Super Star d'Andrew Lloyd Webber. Parodique au possible, la pochette de l'unique disque des Pumps, Petroleum, dissimule le trio de producteur et compositeurs, François Bernheim, Jean-Pierre Lang et, rien de moins que le touche-à-tout, Boris Bergman.

Dernier tour de piste, l'ambiance devient torride, et les corps de plus en plus moites et lascifs...


Père de l'euro disco, Giorgio Moroder, avant de poser les bases du genre depuis son légendaire Musicland Studios munichois, forma un court instant le groupe Spinach avec le chanteur allemand Michael Holm. Sorti en 1973, leur seul et unique album, nommé sobrement Spinach 1 ne laisse en rien présager la révolution électro-dansante à venir, Moroder restant encore dans un style purement pop/rock 70's. Deux ans plus tard, son album de transition électronique Einzelgänger (1975) annoncera sa nouvelle direction. Après des débuts latino, la paire Bimbo Jet, composée de Claude Morgan et Laurent Rossi (fils de Tino), revenait en 1979 avec leur dernier 45 tours Love to Love, dans la continuité de leur précédent single Love Is What We Need, trois ans plus tôt, qui amorçait déjà leur virage disco. The last but not the least, concluons cette treizième édition avec le premier album de Jumbo '76, alias le tromboniste français Charles Orieux et le guitariste allemand Ingo Cramer, deux musiciens de studio venus faire leur beurre, avec dame lascive en sus, dans le genre, avec Sexy Lady (Let's Dance Dance Dance To Jumbo '76), paire que l'on retrouvera deux ans plus tard sous le sobriquet Charingo.

En vous donnant déjà rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle saison des Funky front covers © !

Orgasmo nero - Joe D'Amato (1980)

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Énième rappel des faits. A la fin de la décennie 70, Aristide Massaccesi, dit Joe D'Amato, accompagné de ses fidèles complices, en premier lieu le géant génois Luigi Montefiori, dit George Eastman, embarquait pour Saint-Domingue en République Dominicaine. Durant cette escale caribéenne, le réalisateur romain mit en scène plusieurs longs métrages qui marquèrent durablement le cinéma d'exploitation italien : Sesso neroHard Sensation, Exotic Love, Porno Holocaust, La nuit fantastique des morts-vivants et enfin, celui qui nous intéresse Orgasmo nero. Loin de l'image habituelle que l'on veut bien donner au cinéma Bis, et au premier intéressé, Joe D'Amato se démarquait de ses compères tant sur la forme que sur le fond. Adepte de la méthode forte, le réalisateur de Voluptueuse Laura savait mieux que quiconque que la provocation est la meilleure des publicités pour un film produit dans ce type de circuit, quitte à franchir les limites du bon goût et de la bienséance, au risque de devenir persona non grata auprès des censeurs du monde entier. Orgasmo Nero conforte ainsi, une fois encore, comme cité plus haut, la place unique de Joe D'Amato dans le paysage d'un cinéma d'exploitation européen qui connaissait ses dernières heures de gloire. Mieux, Orgasmo Nero constitue la preuve qu'Aristide Massaccesi, à son corps défendant[1], est un auteur, ce nouveau film constituant une nouvelle pierre dans l'édifice misandre de sa filmographie depuis le séminal Emmanuelle et Françoise (1975).

Anthropologue, Paul (Richard Harrison) étudie les coutumes d'une tribu qui peuplent une île des Caraïbes. Rejoint par son épouse, Helen (Nieves Navarro), Paul vit mal à l'incapacité du couple à pouvoir avoir un enfant. Sur l'île, Helen se rapproche de la jeune autochtone Haini (Lucia Ramirez), leur amitié naissante cédant la place rapidement à une idylle entre les deux femmes. Occupé par ses recherches, Paul, qui ignore tout de la relation saphique de son épouse, propose à Helen d'inviter Haini dans leur résidence à Saint-Domingue...
 
 
D'un scénario original écrit par Joe D'Amato, signé comme souvent de son vrai nom, Orgasmo nero fait écho au malaisant et culte Sesso nero (1980). Film érotique, à l'exception de la scène hardcore (qui tombe comme un cheveu sur la soupe), avec Mark Shannon, tirée sans nul doute du tournage de Sesso nero (cqfd), le long métrage fut distribué en France lors de sa sortie sous le titre Les plaisirs d'Hélène. L'histoire n'épargne nullement la figure du mâle dominant, symbolisés par Paul et son ami Henry, amant d'Helen. Frustrée sexuellement, réduite à sa seule fonction reproductrice, Helen se soustraira à cette domination par l'entremise de la farouche Haini, dont la sensualité première, sinon animale, révélera toutes les pulsions libertaires de l'héroïne [2]. Servi par une excellente musique composée par Stelvio Cipriani, Orgasmo nero s'écarte, on l'aura ainsi compris, du simple film d'exploitation pour mâles libidineux en mal d'aventures saphiques. Mieux, ses deux niveaux de lecture satisferont les déviant.e.s les plus exigent.e.s.


Ne sacrifiant nullement à la forme du mondo lors de son introduction, Orgasmo nero poursuit l'entreprise de sabotage initiée dans Black Emanuelle autour du monde, Joe D'Amato subvertissant cette fois-ci sciemment le genre par sa vision acide du néo-colonialisme. Considérée par Paul comme un animal de compagnie, et abandonnée à son sort (attention spoiler) après l'annonce de la grossesse d'Helen, Haini lui fera payer chèrement cette trahison, entre mysticisme vaudou et pulsions cannibales, dans la grande tradition des films caribéens du réalisateur Bis maître es chairs.
 

Porté par son irréprochable duo d'actrices, Orgasmo nero offre à l'interprète d'Helen, Nieves Navarro, connue au début de la décennie sous le pseudonyme de Susan Scott, un de ses rôles les plus marquants, loin de son précédent personnage ingrat d'épouse frustrée et nymphomane, dans Emanuelle chez les cannibales du même Joe D'Amato. Croisée dans Sesso nero, Lucia Ramirez, nouvelle muse caribéenne du réalisateur, par son physique juvénile et, paradoxalement, son jeu limité, incarne au mieux cette représentation mystique de la sexualité. Enfin, non sans surprise, on s'étonnera de la présence d'un Richard Harrison à contre-emploi, sinon perdu, du moins en position fort inconfortable (selon ses dires, celui-ci ne savait pas qu'il tournait dans un film érotique[3] - à la vision de sa prestation, on serait presque tenté de le croire), présence décalée complétant finalement une distribution et des personnages masculins (hétéronormés) grotesques et méprisants. 

Orgasmo Nero fut édité en zone 2 par Bach Films en 2016 à l'instar du classique Sesso nero.

Recommandé.



Orgasmo nero (Les plaisirs d'Hélène) | 1980 | 93 min | 1.66 : 1 | Couleurs
Réalisation : Joe D'Amato
Scénario : Aristide Massaccesi
Avec : Nieves Navarro, Richard Harrison, Lucia Ramirez, Mark Shannon
Musique : Stelvio Cipriani
Directeur de la photographie : Alberto Spagnoli
Montage : Haidi Morras
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[1] Sa légendaire humilité l'empêchait de se considérer comme un auteur mais davantage comme un bon artisan, souhaitant finalement que le public retienne plus ses qualités de chef opérateur que de metteur en scène Bis.

[2] Thématique récurrente chez Joe D'Amato avec l'héroïne Black Emanuelle incarnée par Laura Gemser dans son rôle « d'agente perturbatrice et ambassadrice de l'amour libre saphique auprès des femmes qu'elle croise ».

[3] En attendant que le blond moustachu ne découvre les méthodes de travail du Hongkongais Godfrey Ho.

L'éventreur de Notre-Dame - Jess Franco (1974)

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Produit par Eurociné, Lesoeur père et fils, L'éventreur de Notre-Dame se situe dans la longue liste des longs métrages réalisés par Jess Franco qui connurent autant de versions remontées, censurées, agrémentées de scènes pornographiques, que de titres différents. De l'explicite Sexorcisme, ledit film eut ainsi droit également comme titre à l'évocateur Expériences sexuelles au château des jouisseuses, et autre méphistophélique Exorcisme et messes noires. Dans la grande tradition des relectures franciennes, L'éventreur de Notre-Dame devint quelques années plus tard en 1979, sous la houlette du même Franco, à partir du matériau originel et avec de nouvelles séquences en sus, un autre long métrage prénommé cette fois-ci Le Sadique de Notre-Dame [1]. Enfin, grand admirateur de l'œuvre Sadienne, qui trouva un premier écho une dizaine d'année plus tôt avec le séminal Le sadique Baron Von Klaus (1962), Jess Franco marquait ainsi, au besoin, encore les esprits déviants au mitan de la décennie suivante, par sa capacité à filmer frénétiquement crimes sadiques et autres tortures théâtralisées pour le plus grand plaisir d'un public converti à sa cause depuis l'originel Horrible Docteur Orlof.

Paris, Mathis Vogel (Jess Franco), prêtre défroqué, écrit pour subvenir à ses besoins des récits sadomasochistes pour un magazine fétichiste publié par Pierre de Franval (Pierre Taylou). Doué pour décrire avec véracité les scènes de tortures inspirées par les exorcismes datant de l'Inquisition, Vogel cache en vérité un fanatique religieux qui kidnappe, torture et assassine des jeunes femmes afin de, selon son esprit dérangé, sauver leurs âmes en perdition. Peu de temps après, il découvre l'existence de messes noires organisées dans des sous-sols parisiens, et à laquelle participe l'assistante de Franval, Anne (Lina Romay). Persuadé que ces rites sataniques factices sont bien réels, Vogel se lance dans une nouvelle quête purificatrice...


Fort d'une longue ouverture de neuf minutes avec torture, décapitation (hors champ) d'une tourterelle blanche, puis meurtre au poignard de Lina Romay, avant les salutations au public de rigueur, L'éventreur de Notre-Dameévoque, sans surprise, dans une veine plus crue, les performances introductives des cultes Necronomiconet Vampyros Lesbos. D'aucuns esprits audacieux auront même déclaré que l'anticléricalisme du film était une réponse de Jess Franco à L'exorciste de William Friedkin. Soit. Condamné dans les années 70 par le Vatican, au même titre que le génial Luis Buñuel, considéré par la papauté comme un des cinéastes les plus dangereux pour la morale catholique, le réalisateur madrilène justifiait crânement en quelque sorte avec cet éventreur cette mise au ban papal.

 

Au-delà de la référence au nom du personnage de Pierre Taylou à l'Eugénie du divin Marquis, ce pur produit d'exploitation poursuit, on l'aura compris, les obsessions de son réalisateur, de par son ambiance malsaine et son érotisme mortifère. Mieux, d'un scénario prétexte, signé par les mystérieux David Khune et Henri Bral de Boitselier (les habitué.e.s auront reconnu Jess Franco et Marius Lesoeur), cette nouvelle variation francienne conforte, s'il fallait encore le démontrer, le détachement quasi intrinsèque du cinéaste envers le récit et son goût pour une une salvatrice distanciation [2], au profit de son voyeurisme compulsif et pulsionnel, dont les messes noires chorégraphiés offrent une mise en abyme des plus évidentes. De cette apparentée accumulation de scènes de sexe et de violence (inspirée de près ou de loin par ce qui pouvait se trouver dans les fumetti per adulti de l'époque), Franco orchestre et place le spectateur au cœur de son désir de voir et de montrer.

 
Sublimé par la complicité entre le réalisateur et sa muse exhibitionniste, L'éventreur de Notre-Dame a été édité en import aux USA en 2012 au format Blu-ray par Kino Lorber / Redemption Films avec ses deux versions softcore et horrifique.

En bonus : D'autres gifs du film sur notre tumblr.





L'éventreur de Notre-Dame (Exorcisme) | 1975 | 95 min | 1.66 : 1 | Couleurs
Réalisation : Jess Franco (James P. Johnson)
Production : Marius Lesoeur, Daniel Lesoeur
Scénario : David Khune, Henri Bral de Boitselier
Avec : Lina Romay, Catherine Laferrière, Lynn Monteil, Jess Frank, Pierre Taylou, Monica Swinn, Olivier Mathot
Musique : André Bénichou (Daniel White)
Directeur de la photographie : Etienne Rosenfeld (Raymond Heil)
Montage : Pierre Quérut
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[1] Version éditée depuis en Blu-ray par Severin Films.

[2] Humour qui prend la forme d'une enquête policière improbable menée par la figure récurrente francienne (depuis L'horrible Docteur Orlof), et toujours aussi dilettante, l'inspecteur Tanner, interprété ici par l'acteur, made in Eurociné, Olivier Mathot.


Antiporno (Anchiporuno) - Sono Sion (2016)

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Présenté en avant-première le 7 septembre 2016 lors de L'Étrange festival, l'habitué des lieux, le japonais Sono Sion, fit de nouveau sensation avec Antiporno. Commande nostalgique initiée par la Nikkatsu, déjà productrice des notables Cold Fish et Guilty of Romance, ce film, au même titre que les quatre autres commandes mises en scène par des réalisateurs de renom (divers) de l'archipel (Hideo 'The Ring' Nakata, Akihiko 'Harmful Insect' Shiota, Isao 'A Day on the Planet' Yukisada et Kazuya 'The Devil’s Path' Shiraishi), n'avait d'autre ambition que de faire revivre, par cet hommage, les grandes heures du cinéma d'exploitation nippon, et de fêter le quarante-cinquième anniversaire du premier Roman Porno de la Nikkatsu. Productrice au début de la décennie 70's de films érotiques dérivés du pinku eiga, ces films exploités à petits budgets [1] jusqu'à la fin de la décennie suivante se démarquaient autant par leurs thèmes, la sexualité des classes populaires (la série Apartment Wife)ou le sadomasochisme [2], que la relative liberté dont jouissaient les réalisateurs au cours de ces années 70. Finalement convaincu de participer à ce tribute, malgré ses nombreuses réticences au départ, Antiporno s'avère, non content d'être une réussite, une entreprise de sabordage de la part du frondeur Sono Sion, déboulonnant un projet supposé seulement sexy, au grand dam des dirigeants du studio. Film empreint du contexte social et politique du Japon de 2016, le long métrage n'aura jamais aussi bien porté son nom, antithèse du film pornographique, son auteur y dynamite, sinon pervertit, le genre pour mieux pointer du doigt, dixit son héroïne, "une société de merde et sa liberté de merde, ses hommes de merde qui dominent tout". Mais n'allons pas trop vite...

Artiste indépendante renommée, Kyôko (Ami Tomite) est une écrivaine et peintre piégée par son propre succès. Hantée par le souvenir de sa défunte sœur Taeko, celle qui se définit comme une "pute, mais vierge", passe le plus claire de son temps enfermée dans son studio. Un matin, son assistante Noriko (Mariko Tsutsui), plus âgée qu'elle, vient lui présenter le programme de la journée, dont une interview par un célèbre magazine. Soumise aux humiliations et jeux pervers de Kyôko plongée en pleine névrose, les deux femmes sont soudainement interrompues par la voix d'un cinéaste criant "Coupez !". 
   
 

Quatrième volet de la série des Roman Porno Reboot Project, après Wet Woman in the Wind d'Akihiko Shiota et Aroused by Gymnopedies d'Isao Yukisada, Antiporno s'éloigne, comme évoqué en préambule, tant sur le fond que sur la forme, de la commande nostalgique. Film faussement érotique où le sexe est volontairement éludé, sinon abordé de manière biaisé, par son auteur, Antiporno déjoue la condition tacite du Roman Porno, qui veut une scène de sexe toutes les dix minutes. D'une première demi-heure débridée mais cadrée, le récit éclate, se fragmente, la narration devient aléatoire imprégné à mesure par l'inconscient de son héroïne révoltée et impuissante [3]Mieux, tour à tour déconstruction et remise en cause du cinéma en tant que médium voyeuriste, le long métrage offre une tribune féministe à Sono Sion en s'attaquant à l'instrumentalisation de la sexualité féminine, orchestrée par des hommes pour un public mâle en manque d'excitation sexuelle. De cette inversion permanente des rôles et des rapports de force, entre la jeune artiste et son assistante, ou actrice de dix-huit ans souffre douleur de l'équipe de tournage, Sono Sion élabore une mise en abîme des plus amers en se plaçant du côté des femmes japonaises, victimes du patriarcat séculaire nippon. Le cinéaste indique clairement que les rapports de force entre les deux genres n'ont guère évolué, pire, que la liberté sexuelle des femmes n'est qu'artifice. 

 

Reprenant sienne la devise des longs métrages 70's qui ne se focalisaient pas exclusivement sur le côté (soft) porno, Sono Sion imprègne son film du contexte politique actuel, avec en ligne de mire l'opposition de la jeunesse nippone envers le Premier ministre conservateur, en fonction depuis 2012, Shinzō Abe. Évoquant ainsi la démarche de ses glorieux aînés des années 60, Nagisa Oshima et Kôji Wakamatsu en tête, le long métrage fut tourné durant les manifestations estudiantines anti Abe [4] du SEALD (Students Emergency Action for Liberal Democracy), manifestations auxquelles participèrent Sion et son actrice principale (déjà présente l'année précédente dans Tag et The Virgin Psychics).

 
  
D'un récit mêlant passé et présent, réalité et fiction, Sono Sion illustre l'état mental protéiforme de son héroïne par une utilisation aiguë, sinon survoltée, de la couleur, renouant de la sorte avec les formes de ses précédent.e.s films/périodes. Critique acerbe de la sexualité vue comme un tabou par la société symbolisée par les parents de Kyôko, la jeune femme et ses multiples facettes n'auront d'autres choix que la transgression par la sexualité, sans pouvoir trouver toutefois une quelconque issue, à l'image des couleurs marronnasses dans lesquelles elle s'ébat à la fin du film, cherchant en vain une sortie à cet état... à ce pays. 

Sono Sion, cinéaste politique. Qui en doutait encore ?

En bonus : D'autres gifs du film sur notre tumblr.





Anchiporuno (Antiporno) | 2016 | 76 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Sono Sion
Scénario : Sono Sion
Avec : Ami Tomite, Mariko Tsutsui, Asami, Fujiko
Musique : Susumu Akizuki
Directeur de la photographie : Maki Itô
Montage : Jun'ichi Itô
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[1] Longs métrages produits à la chaîne (de l'ordre six ou sept films par mois) qui permirent aussi de renflouer les caisses de la Nikkatsu, le cinéma japonais subissant de plein fouet à cette époque la désertion du public au profit du petit écran.

[2] Flower and Snake (1974) de Masaru Konuma est considéré comme le premier Roman Porno sadomasochiste, suivi la même année de Wife to be Sacrificed du même Konuma. 

[3] Les manifestations apparaissent, en guise de toile de fond, à l'écran de télévision dans la maison de Kyôko. 

[4] Le scénario évoque autant les va-et-vient d'un Into a Dream signé par Sono Sion que le classique de l'animation japonaise Perfect Blue.

Et mourir... de plaisir - Joe d'Amato (1978)

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L'histoire a été mainte fois répétée en ces lieux. La courte mais prolifique période caribéenne du réalisateur bis Joe d'Amato marqua durablement l'inconscient du cinéma d'exploitation. Sesso nero, Hard Sensation, Exotic Love, Porno Holocaust, La nuit fantastique des morts-vivants, Orgasmo nero, etc., chacun de ces longs métrages a démontré, à des degrés divers, combien le cadre idyllique de Saint-Domingue offrait à Aristide Massaccesi, de son vrai nom, l'acmé de son art déviant.

Premier film officiel de la série de dizaine de productions tournées en République Dominicaine, Papaya dei Caraibi poursuivait ainsi la démarche entreprise par Joe D'Amato depuis Voluptueuse Laura, en cultivant son attirance pour le genre mondo. Egalement première incursion du réalisateur dans le culte vaudou, religion dont les rites imprégneront durablement les prochains films, le Romain trouvait finalement en cette île paradisiaque, les éléments déterminants pour parfaire sa réputation de spécialiste du cinéma exotique bis italien, qui le feront passer, deux ans plus tard, de l'érotisme soft à la pornographie avec Sesso Nero, premier film hard italien [1] avec Mark Shannon, Annj Goren et Lucia Ramirez.

De cette boîte de Pandore caribéenne éveillant faussement les fantasmes du mâle occidental venu se repaître de clichés, supposés émoustillants, Et mourir... de plaisir, dans sa version française, s'inscrit, on l'aura compris, enfin dans la continuité du cycle Black Emanuelle [2] qui permit à Joe D'Amato de parfaire à la fois sa popularité auprès d'un cercle d'initié.e.s déviant.e.s, et auprès d'une censure goûtant peu à ses excès formelles. Mais n'allons pas trop vite.
 
 

Sur une île des Caraïbes, dans une cabane située sur une plage, une jeune et belle créole, Papaya (Melissa Chimenti), fait l'amour avec un homme blanc. Proche de l'orgasme, ce dernier se fait arracher la verge avec les dents, puis, est laissé pour mort dans une mare de sang, avant que deux complices, qui attendaient dehors, ne brûlent la case. Quelque temps plus tard, Sara (Sirpa Lane), journaliste en vacances, rencontre son ami Vincent (Maurice Poli), géologue qui travaille pour la centrale nucléaire en construction non loin de là. Les deux anciens amants se retrouvent dans la chambre de Vincent, et y découvrent le cadavre calciné de Dean, un ingénieur qui avait disparu une vingtaine de jours auparavant. Le lendemain, Sara et Vincent prennent en stop la dénommée Papaya...

D'un titre originel faisant autant référence au fruit qu'au sexe féminin, le film lors de sa sortie avait de quoi surprendre, comme évoqué en préambule, celui (voire celle) qui pensait n'y découvrir qu'un énième film érotique soft exotique. D'une première scène choc, en guise d'avertissement, Papaya dei Caraibi n'est pas le produit auquel le public érotomane lambda pouvait s'attendre, pire, le titre anglophone [3] brouillait encore un peu plus les pistes, tant le long métrage n'est pas, non plus, le film de cannibales attendu. 

 

Entre film d'exploitation et fable écologique, le long métrage narre en toile de fond la résistance des insulaires menée par Ruiz, frère de Papaya. Bras armé de cette lutte inégale sur le papier, Papaya, incarnation de la déesse de l'amour, séduit les hommes en charge de la construction de ladite centrale, avant d'être assassinés. Passé maître dans la subversion du cinéma de genre, son plus grand coup d'éclat étant sans conteste le malaisant et mortifère Black Emanuelle autour du monde sorti l'année précédente, Joe D'Amato poursuivait son entreprise de démolition en sous-main en livrant un nouveau film érotique biaisé, s'amusant à pervertir les clichés du genre et la vision occidentale néo-colonialiste.

Sur fond de spiritisme, Et mourir... de plaisir se démarque par son atmosphère lente, voire irréelle, à l'instar des deux amants perdus dans les rues d'un village désert à la recherche de Papaya. Climax du long métrage, la séquence de la "Célébration de la pierre rouge" se situe comme un des sommets de l'esthétique mondo made in D'Amato. Dans un style proche du documentaire, le film plonge l'assistance dans une imagerie fantasmatique et sacrificielle, au son de la musique merengue, entre gore, avec éventrement de deux porcs et rituel anthropophage, et sexe, la cérémonie se concluant par une orgie où les deux personnages principaux deviennent le centre d'attention des protagonistes en transe.  

 

Sans remettre en cause toutefois le cahier des charges, le film décline tous les classiques du genre dans sa seconde partie : triolisme, voyeurisme, lesbianisme et masturbation féminine. De quoi en somme satisfaire (celles ?!) et ceux frustrés par ces supposés atermoiements. En grande partie. Joe D'Amato enclenche le pilotage automatique, et filme la romance saphique entre Papaya et Sara, désormais convertie à sa cause, tel un roman-photo animé. Qu'importe. L'essentiel est ailleurs. Non content de nous dresser un nouveau portait misandre du mâle occidental libidineux incarné par le personnage de Vincent, Et mourir... de plaisir confirme au besoin la place unique du cinéma bis d'Aristide Massaccesi, cinéaste hybride, de quoi faire oublier les ternes interprétations de Sirpa Lane (La Bête de Walerian Borowczyk) et du français Maurice Poli [4].

A découvrir, en attendant le déferlement caribéen à venir.


 
Papaya dei Caraibi (Et mourir... de plaisir) | 1978 | 86 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Joe D'Amato
Production : Carlo Maietto
Scénario : Renzo Maietto d'après une idée de Roberto Gandus
Avec : Sirpa Lane, Maurice Poli, Melissa Chimenti
Musique : Stelvio Cipriani
Directeur de la photographie : Aristide Massaccesi
Montage : Vincenzo Tomassi
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[1] Après plusieurs essais concluants sous la forme d'inserts.
 
[2] Soit dans l'ordre, Black Emanuelle en OrientBlack Emanuelle en AmériqueBlack Emanuelle autour du mondeEmanuelle chez les cannibales et Emanuelle et les filles de Madame Claude

[3] Le film fut édité en DVD par Severin Films. 

[4] Connu dans l'hexagone pour sa participation au feuilleton Belle et Sébastien, Maurice Poli a principalement fait carrière en Italie à partir du mitan des années 60, au début sous le pseudonyme de Monty Greenwood, comme dans le western Le due facce del dollaro, retitré en français Poker d'as pour Django (1967) (les distributeurs voulant évidemment capitaliser après le succès l'année précédente du classique de Sergio Corbucci). 

Crash - David Cronenberg (1996)

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Dix septième volume des attendus coffrets ultra collector édités par Carlotta, celui-ci consacré au film culte de David Cronenberg, Crash, adapté du roman éponyme de J.G. Ballard (1973), qui défraya la chronique Cannoise au mitan des années 90, ne pouvait que remporter les suffrages des cinéphiles exigeant.e.s. Prix Spécial du Jury pour « son audace, son sens du défi et son originalité », contre l'avis même du président dudit jury, Francis Ford Coppola, les polémiques stériles apparues, il y a déjà un quart de siècle, ont laissé la place à une réévaluation quasi unanime, tant ce douzième long métrage de David Cronenberg peut être considéré légitimement comme l'un des sommets artistiques du réalisateur canadien. Vénéneux, clinique, obsessionnel, déviant, malaisant, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce film d'horreur d'un autre genre désormais disponible dans sa version restaurée 4K depuis le 21 octobre en Coffret Ultra Collector Blu-ray + DVD + livre et éditions Blu-ray et DVD. 

James (James Spader) et Catherine Ballard (Deborah  Kara Unger) mènent une vie sexuelle très débridée. Suite à une grave collision avec le docteur Helen Remington (Holly Hunter) ayant entraîné la mort de son mari, James se lance dans l'exploration des rapports étranges qui lient danger, sexe et mort. Grâce à leur rencontre avec Vaughan (Elias Koteas), un étrange photographe fasciné par les accidents de la route, le couple Ballard va finir par trouver un chemin nouveau mais tortueux pour exprimer leur amour…
 
 

Seconde collaboration avec le producteur britannique, Jeremy Thomas, qui avait pris intuitivement, dès 1983, une option sur les droits cinématographiques du roman publié dix ans plus tôt, et après une autre adaptation réputée elle-aussi impossible, Le festin nu d'après William S. Burroughs, Crash aurait pu s'inscrire à bien des égards comme un nouveau défi pour David Cronenberg. Or, il n'en est rien. Le film s'apparente au contraire comme l'aboutissement d'une filmographie dont les prémices s'étaient déjà signaler en 1988 avec le non moins troublant Faux semblants

Adoubé par le romancier britannique à qui le cinéaste avait envoyé le script fin 1994, Crash, sans le point d'exclamation originel, fut dépeint par Ballard comme « un prolongement et un dépassement » de son oeuvre originelle. Qui oserait le contredire ? Respectant la structure, et en grande partie les éléments narratifs du roman, David Cronenberg procède de la même radicalité, de son refus d'offrir un quelconque libertinage à son détournement de l'esthétique porno chic. Mieux, à l'instar du roman, Crash, le film, dépasse tout autant le simple cadre de l'essai symphorophile provocant pour spectat.eur.rice.s. en mal de sensations fortes. Clinique, froid comme le métal d'une carrosserie de voiture, le long métrage est un modèle d'anti-érotisme [1], ce qui ne manque pas de piquant en relisant les critiques anglo-saxonnes, lors de la sortie du film, taxant le canadien de pornocrate bon pour l'asile. 

 

Portrait mélancolique d'un couple incapable de communiquer autrement que par le sexe, leurs actes se réduisant à combler vainement leur frustration, leur rencontre avec Vaughan fera définitivement basculer les époux Ballard. Guidé par une imagerie faussement pornographique, le film n'a pas, faut-il le rappeler, vocation à émoustiller son public à l'image des dialogues du couple lors de leurs oaristys. De la recherche du plaisir solitaire à cette hypersexualisation sans désir, le film relate la quête désespérée de cette petite communauté de fidèles, guidée par ce faux-prophète, et futur martyr de « la refonte du corps humain par la technologie moderne », à la recherche d'une autre sexualité, qui prend sa source dans les stigmates (cicatrices et autres prothèses métalliques) nés des accidents de voiture [2]

En écho à la « nouvelle chair » du prophétique Videodrome (1982)  mis en scène par David Cronenberg une décennie plus tôt, Crash développe cette fois-ci le concept d'une nouvelle mutation, celle d'un corps scarifié par une prophétie biomécanique « sale et débraillée ». Sur fond de relations sexuelles et de happenings postmodernes, la reproduction des accidents de stars hollywoodiennes (James Dean et Jayne Mansfield), le long métrage se distingue enfin par la distanciation de son metteur en scène et son rapport inédit au récit par la répétition de scènes de sexe qui constitue l'intrigue principal de Crash

 

"Le scénario en soi, a écarté les acteurs qui n'auraient pas eu le cran de faire ce que je leur demandais" David Cronenberg

D'un tournage de dix semaines, se déroulant entièrement à Toronto et dans sa banlieue, le film peut compter sur les fidèles Peter Suschitzky à la photographie et de Howard Shore à la musique, qui livrent ici, sans nul doute, leur contribution la plus brillante et originale. Des images froides, métalliques, bleues et grises à la partition unique du compositeur avec son orchestre composé de six guitares électriques, trois harpes, instruments à bois et percussions, tout concourt à faire de Crash une oeuvre totale. 

Comme à son habitude, le coffret est richement doté de suppléments dont un entretien d'une heure entre le cinéaste et l'un de ses acteurs fétiches, Viggo Mortensen, des courts-métrages réalisés par David Cronenberg dans les années 2000, et le livre Réalisme des sens avec, entre autres, les contributions d'Olivier Père [3et de Thierry Jousse.



Crédit photos : © 1996 ALLIANCE COMMUNICATIONS CORPORATION, IN TRUST. Tous droits réservés.


Crash | 1996 | 100 min | 1.66 : 1 | Couleurs 
Réalisation : David Cronenberg
Scénario : David Cronenberg d'après le roman Crash! de J. G. Ballard 
Avec : James Spader, Holly Hunter, Elias Koteas, Deborah  Kara Unger, Rosanna Arquette
Musique : Howard Shore 
Directeur de la photographie : Peter Suschitzky
Montage : Ronald Sanders
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[1] Le critique étasunien Roger Ebert décrivit le film comme une « dissection des mécaniques de la pornographie ». 

[2] Ironie mordante tant Ballard réalise des spots publicitaires pour la prévention routière.

[3] Il s'agit de la reprise du texte issu du livre Rêves d'acier paru pour la ressortie du film en salles en juillet 2020.

Une femme fantastique - Sebastián Lelio (2017)

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Lauréat de nombreux prix dont l'Ours d'argent du meilleur scénario et l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, Una mujer fantástica du chilien Sebastián Lelio aura marqué les esprits au cours de l'année 2017, et propulsé son interprète principale Daniela Vega, alors inconnue, au rang de star au Chili. Mieux, lauréat au cours de cette même Berlinale du prix Teddy du meilleur film, ce cinquième long métrage peut s'enorgueillir d'être l'un des rares films à avoir aussi bien traité la question de la transidentité. Dont acte.  

Marina (Daniela Vega), une jeune serveuse transgenre qui aspire à devenir chanteuse, développe une relation amoureuse avec Orlando (Francisco Reyes), le propriétaire d'une imprimerie de vingt ans plus âgé qu'elle. Tous deux planifient leur avenir ensemble, mais Orlando meurt soudainement. Marina se voit contrainte d'affronter les réactions haineuses de la famille d'Orlando afin de prouver qu'elle est une femme honnête et digne.

Quatre années après Gloria, qui avait valu à Paulina Garcia, l'Ours d'argent de la meilleure actrice à la Berlinale lors de l'édition 2013, et révélé le réalisateur chilien sur la scène internationale, Sebastián Lelio revenait avec un autre portrait de femme aux prises avec les préjugés de la société patriarcale chilienne. Mieux, après l'émancipation de cette femme d'âge mûr qui voulait revivre le grand amour, Une femme fantastique interrogeait et appelait à une nouvelle réflexion sur la place des transgenres dans la société chilienne, au-delà de tout pensum et film militant lourdingue. 

 

Forcée de devoir se justifier auprès des autorités de la mort de son compagnon, Marina est soupçonnée par la police de meurtre et de prostitution déguisée. Confrontée à la haine et au mépris de sa « belle-famille », à l'exception du frère d'Orlando, coupable selon elleux d'avoir séduit un homme marié quinquagénaire et père de plusieurs enfants, Marina, considérée comme un monstre vénal et manipulateur, est chassée de l'appartement qu'elle occupait avec Orlando et interdite d'assister aux obsèques. Marina est la suspecte idéale car elle ne rentre pas dans leurs cases normatives. 

Or, le scénario de Sebastián Lelio et Gonzalo Maza évite l'écueil du pathos ou du mélodrame appuyé. Le personnage de Marina incarne le combat d'une femme et son droit à être respectée et traitée comme telle. Si le cinéaste assume pleinement la part d'empathie que peut générer le cinéma, celle-ci ne se fait ni au forceps ni en prenant otage le public. Au contraire. L'identification se fait à mesure. Son histoire d'amour avec Orlando est présenté comme tout autre histoire d'amour. Jamais la nature transgenre de l'héroïne est dévoilée avant que celle-ci ne doive justifier son identité à l’hôpital et subir l’humiliation du mégenrage d'un policier

Adoptant certains éléments au thriller, de la pression exercée par la brigade des mœurs aux menaces (physiques) perpétrées par la famille d'Orlando, le film se distingue aussi par ses touches oniriques empruntées au réalisme magique sud-américain, à l'image de la présence fantomatique bienveillante d'Orlando au gré des obstacles que doit surmonter sa bien-aimée.  

 

Révélation du long métrage, engagée à l'origine comme consultante afin de rendre le scénario plus réaliste, Daniela Vega, alors inconnue, s'est vite imposée comme une évidence auprès du réalisateur Sebastián Lelio, qui hésitait à confier le rôle principal à une personne transgenre (sic). Sans que le récit soit autobiographique du propre aveu du cinéaste, il n'en demeure pas moins que Daniela Vega a puisé dans sa propre expérience pour interpréter le personnage de cette femme aux prises avec la suspicion d'autrui.

Loin d'être le long métrage consensuel que pouvait craindre la pluie de récompenses récoltées, Une femme fantastique s'inscrit au contraire comme l'un des plus beaux et vibrants appels à la tolérance pour la cause transgenre et de manière plus générale LGBTQIA+ [1]

A voir absolument. 





Una mujer fantástica (Une femme fantastique) | 2017 | 104 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : Sebastián Lelio
Production : Juan de Dios Larraín, Pablo Larraín
Scénario : Sebastián Lelio, Gonzalo Maza
Avec : Daniela Vega, Francisco Reyes, Luis Gnecco 
Musique : Matthew Herbert
Directeur de la photographie : Benjamín Echazarreta
Montage : Soledad Salfate
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[1] Pour lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles.

Identités trans, au-delà de l'image - Sam Feder (2020)

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Auteur d'un premier documentaire Boy I Am (2006) qui faisait le portait de trois jeunes hommes transgenres à New-York, Sam Feder signait cette année, présenté en avant-première au festival de Sundance, un nouveau documentaire, Identités trans, au-delà de l'image, dont le sujet était la représentation des transgenres par Hollywood et les médias étasuniens, et leurs impacts sur la vie des transgenres et sur la culture américaine. Vaste sujet tant ladite représentation est apparue aux origines du cinéma muet, quand le sinistre blackface côtoyait le travestissement. Véritable étude exhaustive où la parole donnée est volontairement et exclusivement offerte aux premier.e.s concerné.e.s, FTM et MTF [1]Disclosure: Trans Lives on Screen s'attache à décortiquer comment cette représentation, faussée, faut-il s'en étonner, a porté préjudice aux transgenres, tant dans la manière dont iels se percevaient et dans celle où le public les percevait. 

"Chaque personne trans porte en elle l'histoire de la représentation trans à travers ce qu'elle a vu" 
Jen Richards (actrice, autrice)

Pendant près d'un siècle, Hollywood a montré au public comment réagir face à la transidentité, soit par le rire, la peur ou la répulsion. Il aura fallu attendre le mitan des années 2000 pour voir enfin un tournant s'opérer Outre-Atlantique avec la série Dirty Sexy Money, en 2007, quand l'actrice Candis Cayne entra dans l'histoire en interprétant une femme transgenre mise en avant pour sa transidentité assumée. Un premier pas auprès du grand public à contre-courant du conditionnement des images et des préjugés qui s'en dégageaient depuis des décennies, après le combat des pionnières nommées Elizabeth Coffey Williams, Ajita Wilson ou Tracey Norman.

 

"Comment je me sentirais en tant que personne trans si je n'avais jamais vu de représentation dans les médias. D'un côté, je n'aurais peut-être jamais intériorisé ce sentiment d'être monstrueuse, de craindre la révélation, de me voir comme un être répugnant et comme une blague" 
Jen Richards (actrice et autrice)

Documentaire propre à faire grincer les dents de nombre de cinéphiles, Sam Feder revient sur les origines cinématographiques de ces représentations faussées. Du cliché usuel perpétuant l'idée que lea transgenre est une blague, se déguisant pour faire rire les autres, Identités trans se démarque en rappelant que pendant des années le cinéma a montré au public que la transidentité était perçu avant tout comme une menace. Pionnier du genre, Alfred Hitchcock avec son troisième film parlant Meurtre (1930) fut l'un des premiers à avoir filmé l'idée que des personnes au genre dit transgressif pouvaient ainsi cacher des psychopathes, des tueurs ou des pervers, concept qui fut repris par exemple par son génial disciple Brian de Palma dans Pulsions un demi-siècle plus tard. Sam Feder soulève un point crucial qu'il développera par la suite en fonction des représentations. La question n'est pas d'accuser les cinéastes, scénaristes ou autres de transphobie, ou même un film en particulier, mais plutôt de remettre en cause ce type de représentation quand celle-ci, et les clichés qu'elle traîne avec elle, devient une norme jusqu'à provoquer un conditionnement des personnes. A l'instar du Silence des agneaux, et en dépit des qualités de ces fictions, ces tueurs en série psychopathe deviennent aux yeux du grand public des exemples de transidentité visible. Pire, dans le cas de Buffalo Bill, celui-ci conforte et illustre littéralement l'argument de certaines féministes TERF [2] qui accusent les femmes transgenres de seulement vouloir s'approprier le corps féminin. 

 

"Etre invisible est un privilège comparé à la transphobie" 
Nick Adams (Directeur de la GLAAD - Gay & Lesbian Alliance Against Defamation)

Autre cas récurrent, maintes fois reproduit par le cinéma, puis repris par la télévision, la répulsion engendrée par la découverte de la transidentité s'inscrit comme l'une des représentations les plus communes et malaisantes. Un long métrage supposé bienveillant peut véhiculer contre son gré une image désastreuse comme le lauréat de l'Oscar du meilleur scénario original en 1992, The Crying Game de Neil Jordan, où quand la seule réaction naturelle (?!) à la découverte de la transidentité est de frapper au visage la transgenre, de vomir puis de s'enfuir. Cette autre représentation soulève deux autres problèmes, la transphobie latente qui s'en dégage, ou la peur de l'homme hétéro d'être perçu comme gay car celui-ci est attiré par une femme trans.

Le film de Neil Jordan illustre aussi une autre violence envers les femmes trans, celle de faire jouer les femmes trans par des hommes. Au-delà des performances convaincantes, à l'instar du récent The Danish Girl (2015) de Tom Hooper, il est inconcevable que la transidentité de nos jours soit ainsi encore réduite à une performance d'acteur masculin et de féminité factice avec beaux cheveux, maquillage et belles tenues en sus. L'histoire du cinéma a retenu que le rôle dévolu au jeune Chris Sarandon pour le rôle d'Elizabeth Eden dans Un après-midi de chien (1975) de Sidney Lumet aurait dû être tenu par l'actrice trans Elizabeth Coffey Williams. Or, telle la vraie Elizabeth Eden, celle qui fut révélée par John Waters fut écartée par la production car elle ressemblait trop à une « vraie » femme pour le rôle. La représentation d'un travesti correspondait ainsi mieux à l'idée que devait se faire le grand public de la transidentité féminine, tel en avait décidé la production du film. 

 

"Comme les 80 % d'Américains qui ne connaissent pas de trans, bien souvent, les trans non plus ne connaissent pas d'autres trans. Donc, on cherche les gens comme nous dans les médias" 
Nick Adams (Directeur de la GLAAD - Gay & Lesbian Alliance Against Defamation)

Or, la faible représentation dans les médias des hommes trans fut pendant longtemps un vrai sujet. Alors que dans la réalité, les FTM représentent en soit la moitié des transgenres, leur quasi absence reflétait cyniquement une simple vérité marchande. Trans ou non, une femme sera toujours plus facile à « vendre » qu'un homme auprès des annonceurs et du public. La visibilité des FTM est devenue apparente dans les années 2000 avec la série The L World, avec Max, premier personnage d'homme trans récurrent dans une série télé. Mais, au fil des saisons, les scénaristes et productrices de la série ont révélé involontairement la transphobie qui existe dans une partie de la communauté LGBTQA+, le traitement hormonal pris par Max étant considéré comme une trahison envers sa féminité (sic). Pire, alors que la représentation des afro-américain.e.s est intimement liée celle des transgenres depuis l'ère du cinéma muet, cette même représentation est doublement problématique pour les transgenres issus de ces deux communautés. Tandis que les queers et trans de couleurs de peau ont ainsi participé grandement à la lutte des droits des homosexuels dans les années 70, force est de constater qu'iels sont souvent évincés dans les histoires, fictionnelles ou véridiques comme dans le film Stonewall (2015).

Depuis plusieurs années, la tendance dans les médias étasuniens évoluent, quand les transgenres étaient présenté.e.s dans les talk-shows 90's comme des bêtes de foire, leur présence ne justifie plus enfin la fibre du sensationnel. De même, quand les personnes trans étaient par exemple surreprésentées par la profession de prostituée dans les séries [3], la donne semble enfin s'inverser. Ne soyons pas toutefois nai.f.ve.s. Si ce changement a eu lieu, c'est aussi et surtout parce que la communauté a incorporé le système de production afin de battre en brèche les stéréotypes trop longtemps mis en image. Le succès de Lavern Cox pour son rôle de Sophia Burset dans Orange is the new black est une victoire. Mais la révolution n'est pas terminée et « This Revolution Will Be Televised ».

 

Documentaire d'utilité publique, Disclosure: Trans Lives on Screen aurait sans doute gagné à s'intéresser davantage aux productions étrangères, les rares extraits de films en langue non anglaise étant juste présentés en guise d'illustration. Qu'importe. Sam Feder et les témoignages recueillis dénoncent avec précision les discriminations dont furent victimes les transgenres dans leurs représentations à l'écran, comme le fit vingt-cinq ans plus tôt Rob Epstein et Jeffrey Friedman avec The Celluloid Closet avec le thème de l'homosexualité.  





Disclosure: Trans Lives on Screen (Identités trans, au-delà de l'image) | 2020 | 100 min | Couleurs Réalisation : Sam Feder 
Production : Sam Feder, Amy Scholder 
Avec : Laverne Cox, Susan Stryker, Alexandra Billings, Jamie Clayton, Chaz Bono, Alexandra Grey
Musique : Francesco Le Metre 
Directeur de la photographie : Ava Benjamin Shorr 
Montage : Stacy Goldate 
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[1] Usuels acronymes anglophones pour définir respectivement les transgenres hommes (Female-to-Male) et les transgenres femmes (Male-to-Female). 

[2] TERF pour Trans-exclusionary radical feminist ou des supposées féministes qui excluent volontairement dans le cadre des luttes pour le droit des femmes les femmes transgenres. L'une des dernières représentantes a s'être fait connaitre n'est autre que J. K. Rowling, connue pour ses récents Tweets transphobes et qui est l'autrice de Troubled Blood (2020), cinquième volet de la série Cormoran Strike, mettant en scène un tueur en série se travestissant en femme (sic).

[3] Les amat.eur.rice.s de série télé apprécieront aussi la surreprésentativité des personnes trans assassinées ou atteintes d'un cancer à cause de leur traitement hormonal dans les séries policières et médicales.

Petite fille - Sébastien Lifshitz (2020)

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Après avoir mis en scène Les invisibles (2012), César du meilleur documentaire en 2013, Bambi (2013), Teddy Award du meilleur documentaire au festival de Berlin, et Les Vies de Thérèse (2016), sélectionné à La Quinzaine des Réalisateurs et lauréat de la Queer Palm, Sébastien Lifshitz consacrait de nouveau un documentaire à la communauté LGBTQI+ avec le dénommé Petite fille. Présenté et remarqué à la Berlinale de cette année, le long métrage suit la vie au quotidien d'une petite fille transgenre de sept ans nommée Sasha. Soutenue par sa famille, parents, frères et sœur, Sasha sera suivie durant une année par la caméra bienveillante de Sébastien Lifshitz, au cours de laquelle sa famille devra se battre afin de faire accepter la différence de cette petite fille fantastique. 

Enfin. Enfin, en 2020, un documentaire aborde le thème rare, sinon inédit, de la transidentité chez l'enfant, et qui devrait, espérons le, bousculer les certitudes et combattre l'ignorance d'un certain grand public. Bouleversant, Petite fille l'est, peut-il en être autrement ? Le regard de Sacha vaut tous les argumentaires. Sasha est une petite fille. Point. A toutes les personnes, enfants ou adultes, qui oseraient mettre en doute cette évidence, Sasha a cette réponse désarmante : "je suis une fille". 


Dès l'âge de trois ans, Sasha sait qu'elle est une petite fille, née dans un corps de garçon. Passée l'incrédulité première de sa maman à l'annonce de la phrase, "quand je serai grande, je serai une fille", ses parents comprennent rapidement que leur enfant ne fait pas de caprice quand celle-ci sombre dans une profonde mélancolie. Leur fille souffre de dysphorie de genre. Au cours des quatre années qui vont suivre, Karine, sa maman, va laisser sa fille s'habiller comme elle l'entend, sans restriction, dans le cadre privé familial. Mais à l'extérieur, il en est tout autre. A l'école élémentaire et au cours de danse, la petite fille doit, contrainte, forcée, humiliée, s'habiller en petit garçon, son genre féminin n'est pas accepté. Pire, ces institutions rendent coupable Karine de pousser au travestissement son enfant. Face à l'incompétence avouée du médecin de famille, Karine est orientée sur Paris, à l’hôpital Robert-Debré, où une pédopsychiatre leur prête enfin une oreille attentive... 

Sans nier que la vie de cette petite fille fait écho à la pré-adolescence de la préposée à la chronique ici présente, encore émue par la vision de cette petite sœur, il est tout à fait impartial d'écrire, du moins espérer, que ce documentaire fera date dans la compréhension de la transidentité. Hymne à la tolérance et à la différence, Petite fille est pourtant bien plus. Avec pudeur, le cinéaste dresse le portait d'une enfant, comme il en existe tant en France et ailleurs, qui ne reconnaisse pas le genre qui leur a été assigné à leur naissance. Face à l'ignorance de celleux qui pensent et jugent sans connaitre, Sébastien Lifshitz fait oeuvre de pédagogie. Non, la dysphorie de genre n'est pas une maladie mentale. Ses causes demeurent encore inconnues. Oui, la souffrance des enfants, adolescent.e.s, et des adultes est bien réelle. Oui, il est intolérable que les transgenres, dès leur plus jeune âge, doivent se justifier et lutter contre l'hostilité dont iels sont victimes. 


Sans dramaturgie artificielle, le réalisateur expose avec subtilité, pour un œil averti, il est vrai, la violence sourde des situations. Les cours de danse de la petite Sasha sont, à ce titre, émouvantes et choquantes. Constater que cette petite fille doit s'habiller en garçon à l'opposée de ses petites camarades. Pire, constater sa solitude et son humiliation, lors du jour de la remise des costumes, avec la cruauté insidieuse de la professeure : "Ça va, Sasha, t'as pas trop chaud dans ton costume ?". Y'a t'il surdramaturgie de montrer le trouble de Karine, la maman, quand celle-ci avant son entretien avec la pédopsychiatre, pensait être coupable de la dysphorie de sa fille aimée ? Y'a t-il exagération de filmer le combat de ces parents contre une société civile qui refuse cette évidence et même le débat (le corps professoral refusera de répondre à l'invitation des parents et de la pédopsychiatre) ? Est-ce forcer le trait de filmer les craintes de Karine pour le futur de sa fille ? Certes, sur ce point, il aurait été louable de la rassurer. La vie d'un.e transgenre est un combat, nous n'avons pas d'autre choix, mais notre force intérieure, même insoupçonnée, n'est pas à douter, en dépit des nombreux obstacles que nous rencontrons. A celleux qui accusent ou pourraient émettre des réserves sur la supposée dramaturgie excessive de ce long métrage [1], nous serions tenté.e.s de répondre que ces personnes, plus ou moins bien intentionnées, ignorent dans les grandes lignes la transidendité. Et s'il faut provoquer l'empathie pour enfin faire bouger les consciences normatives du quidam, dites vous bien qu'en pareil cas, la fin justifie les moyens. 


Émouvant, et bien plus encore, nécessaire. 

"Sasha est là, peut-être, pour aider à faire changer les mentalités, et moi, je suis là pour l'aider, elle"

Disponible sur le site d'Arte du 25 novembre 2020 au 30 janvier 2021.



Petite fille | 2020 | 83 min | 2.35 : 1 | Couleurs 
Réalisation : Sébastien Lifshitz
Production : Muriel Meynard
Directeur de la photographie : Paul Guilhaume
Montage : Pauline Gaillard
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[1] Sans déflorer en détail l'avant-dernière scène à l’hôpital Robert-Debré, la maman de Sasha décrit le comportement odieux et révoltant de la nouvelle professeure de danse envers la petite fille. 

Funky Front Covers - Part XIV

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Une décennie a passé, le préposé a cédé les clefs du RHCS cette année à sa collègue Miss Magenta, mais le rendez-vous annuel de la fin du mois de décembre, les Funky front covers©, reste immuable, le meilleur du pire des pochettes les plus insolites, sexuées ou sexistes des musiques funk, disco et consorts des années 70 et 80 est toujours au rendez-vous. En vous souhaitant à toustes nos meilleurs vœux, chantons tous l'avènement de cette quatorzième saison. 

En guise de mise en bouche, et débuter ainsi en douceur cette nouvelle saison, offrons nous le meilleur du déguisement offert par la gent masculine :

  

Engagé par George Clinton à l'âge de dix-sept ans avec la lourde tâche de remplacer Eddie Hazel, le guitariste Michael Hampton forma le groupe Kiddo au début de la décennie 80, quand Clinton mit un terme à l'aventure croisée Funkadelic / Parliament. Avec Donnie Sterling au chant, qui se fit connaitre dans la galaxie P-Funk pour sa participation à l'album Invasion Of The Booty Snatchers de Parlet, formation féminine, créée par Clinton, composée des choristes Debbie Wright, Mallia Franklin et Jeanette Washington, Kiddo signa son premier album éponyme en 1983, accompagné des singles Try My Loving (Gimme Just Enough) et Give it Up. Il aura ainsi fallu plus de dix ans pour enfin faire apparaître la création disco de Jacques Morali, les Village People. Quatrième album de la formation en seulement trois années d'existence, Go Westest resté dans les mémoires pour son single In the Navy, et pour sa chanson éponyme qui connut un regain d'intérêt au début de la décennie 90 par la reprise des Pet Shop Boys en 1993. Enfin, non des moindres, le disque marque en sus du déclin du disco, la fin d'une époque pour le groupe, Go West est ainsi le dernier album avec le chanteur emblématique Victor Willis, qui reviendra le temps d'un Fox on the Box trois ans plus tard, avant de s'éclipser de nouveau. Formé en 1973, Massada est un groupe néerlandais dont la majeure partie des membres sont originaires de l'archipel des Moluques en Indonésie. Fort de leur succès en 1978 avec leur premier album Astaganaga et du single Latin Dance, Massada et son chanteur percussionniste Johnny Manuhutu revenait l'année suivante, torse huileux et pose virils en sus, avec Pukul Tifa et le single Arumbai, disque où l'influence de Santana se fait encore plus prégnante (There's No Time To Return)

Quittons les oripeaux mâles pour un hommage aux diverses orchestres qui traversèrent cette époque bénite :

  

Chanteur pop dès la fin des 50's, chantre du easy-listening à la sauce british, et toutefois producteur des Kinks et des Troggs, Larry Page surfait de nouveau sur les succès du moment en s'offrant désormais un intermède disco avec Erotic soul, resucée de son Rampage sorti l'année précédente en 1976. Pour le reste, l'âme et l'érotisme sont aux abonnées absentes. Auteur d'un premier album en 1976, John Davis et son orchestre monstrueux signait l'année suivante le bien nommé Up Jumped the Devil. A l'instar dudit premier album Night & Day, le disque est marqué par la présence des cousines Barbara Ingram et Carla Benson, connues sous le nom The Sweethearts et autres The Philadelphia Angels, trio vocal composé également d'Evette Benton qui chantèrent dans nombre de formation originaire de Philadelphie de la fin des années 70 au début des années 80. Transition toute trouvée pour mieux se prendre les pieds, les oreilles, et le reste dans le tapis à la découverte de ce The classics in Philadelphia (1976) par The Classicodisco Orchestra (sorti également sous le titre Philadelphia Disco par The Philarmonics). Enregistré à Bruxelles, se cache derrière cet hybride musical le producteur belge Jean Kluger. Réarranger à la sauce disco des compositions provenant de la musique classique, en voici une bonne idée qui fleure bon le surréalisme, le tiroir-caisse et surtout l'opportunisme, Kluger reprenant ni plus ni moins ce qui fit le succès de A Fifth of Beethoven de Walter Murphy la même année. Les plus kamikazes ou celleux qui ont un compte à régler avec Beethoven ou Mozart apprécieront dès lors sans nul doute For Elise ou A la Turka

Dans la liste des fantasmes masculins sur pochette, les dames au sol semblent tenir le haut du pavé...

  

Formé du trio transalpin Renato Posani, Riccardo Persi et Stefano Previsti, alias Ricky, René D.J. et Roxy, Big Ben Tribe est comme le laisse planer la nationalité des protagonistes une énième et fugace formation d'italo-disco des années 80, dont Tarzan Loves The Summer Nights (1983) fut leur troisième et dernier single. Autre trio, autre décennie, Overdrive nous provient d'Allemagne. Composé des dénommé.e.s David Hanselmann, Elke Köllen, Jeanette MacLeod, le trio évoque par ses chœurs un énième ersatz d'Abba. Unique album à leur actif, Electric Overdrive, s'inscrit comme l'un des nombreux essais de Hanselmann dans la musique, après un premier single Hei-di-ho Princess en 1977, et avant de tenter de percer (en vain) dans le rock progressif avec son complice Chris Evans avec Stonhenge (1980). Provenant de Kansas City, Bloodstone est une formation de soul/funk dont le plus grand succès est la chanson éponyme tirée de leur deuxième album, Natural High (1973). Trois ans plus tard, Willis Draffen Jr, Charles McCormick, Harry Williams et Charles Love signait avec Do You Wanna Do A Thing ? leur sixième album produit par l'anglais Mike Vernon, dont la pochette en laissera plus d'une dubitative et sans voix...

L'heure est arrivée, faisons monter la température d'un cran...

  

Meneuse de revue aux Folies bergères de la fin des années 70 au début des années 80, Laurence Darpy enregistra en 1979 cet unique single Have A Good Time, produit par la paire Gilbert Di Nino / Leo Carrier (responsable la même année de la création du trio New Paradise évoquée l'année dernière lors des FFC part XIII). Désormais professeure de chant et de comédie musicale, la belle joua également pour l'anecdote dans le premier long métrage de Jean-Jacques Beineix, Diva. Premier album éponyme de Nightlife Unlimited (1979), se cache en fait derrière cette amazone blonde quatre musiciens canadiens à forte consonance latine : Tony Bentivegna, Johnny D'Orazio, Luis Toteda et Peter Sciascia. Pour le marché étasunien, le label Casablanca choisit de mettre davantage en valeur le mannequin Jeff Aquilon accompagné de deux autres donzelles. Soit. Munich Machine pourrait ne laisse planer aucun doute sur la nationalité de ou des protagonistes, et pourtant, il s'agit en fait d'une des nombreuses créations (créatures ?) de Giorgio Moroder exilé à Munich à la fin des années 70. Troisième album crédité entièrement à Munich Machine, Body Shine (1979) marquait la nouvelle participation de la protégée de l'italien, la chanteuse étasunienne Chris Bennett (le duo enregistra l'année précédente le single Love's In You »Love's In Me«). 

The last but not the least, clôturons ce panorama par le meilleur du pire de l'objectification...

  


Quatrième et avant-dernier album des Detroit Emeralds, Feel the Need marque la dernière période, et annonce le début de la fin de cette formation originaire de Little Rock (le préfixe Detroit fut ajouté après le déménagement des frères Tilmon et de James Mitchell en 1970 et leur signature avec le label Westbound Records). Auteur d'un unique album éponyme en 1976, profitant de leur succès I'm on Fire l'année précédente, les britanniques 5000 Volts eurent droit (?!) aux honneurs d'une compilation uniquement sortie sur le sol japonais avec pochette moite et sexiste en sus. Subete ni kansha shimasu. Album de l'organiste soul/jazz Don Patterson, Why Not... (1978) évoque enfin les errements des labels jazz durant la décennie 70 qui franchirent plus d'une fois la limite pour « vendre leurs produits ». Triste, à l'image de Patterson, qui signait ici son dernier disque, usé par ses nocives addictions.

En vous donnant déjà rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle saison des Funky front covers © !



Cronico Ristretto : Nowhere - Gregg Araki (1997)

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Dernier volet de la trilogie apocalyptique adolescente signée Gregg Araki, Nowhere faisait suite au séminal Totally Fucked Up (1993) et The Doom Generation (1995). Chronique sous acide d'une bande de jeunes à Los Angeles, ce sixième long métrage du réalisateur étasunien ne déroge pas à la règle préétablie par les deux précédents chapitres : Nowhere se joue des conventions, et assume pleinement sa veine foutraque et faussement superficielle héritée des teen drama des 90's. 

Dark (James Duval) se désespère de l'infidélité de sa copine Mel (Rachel True), qui sort aussi avec la dénommée Lucifer (Kathleen Robertson). Rencontré une première fois dans un rêve, Dark se met à fantasmer sur Montgomery (Nathan Bexton). Le meilleur ami de Dark, Cowboy (Guillermo Díaz) recherche son petit ami toxicomane Bart (Jeremy Jordan), tandis que Dingbat (Christina Applegate) est amoureuse de Ducky (Scott Caan), lui-même amoureux d'Alyssa (Jordan Ladd), qui rêve du motard Elvis (Thyme Lewis)…
  
Figure du New Queer Cinema au cours de la décennie 90 avec The Living End (1992) ou le déjà cité Totally Fucked Up, Gregg Araki conforte avec Nowhere son virage post-gay initié avec The Doom Generation. De ce portait d'adolescent.e.s à la sexualité exacerbée sinon fluide, le long métrage prend la forme d'un film choral où l'unique fil conducteur est en somme de savoir qui couche ou qui veut coucher avec qui. Sous ses airs d'objet pop avec couleurs flashy à faire décoller la rétine et bande son indie 90's (Radiohead, Massive Attack, Hole, Marilyn Manson, Suede, etc.), Nowhere s'avère davantage foutraque et bordélique que véritablement corrosif, en dépit d'une scène de viol suivie du suicide de l'innocente lycéenne tombée amoureuse de son idole. Ajoutons à ce bad trip faussement hédoniste une faune des plus bigarrées (maîtresses domina, drag queens, drogué.e.s, pétasses, un lézard extra-terrestre... et un cafard géant !), ce sixième long métrage de Gregg Araki prend autant les contours d'un brouillon arty que ceux d'une pochade décomplexée. 

 

Grand initiateur de cette satire des séries pour adolescent.e.s, Araki peut compter sur un casting hétéroclite et surprenant, avec la participation de Kathleen Robertson et l'apparition de Shannen Doherty de Beverly Hills 90210, et de bon nombre de jeunes débutant.e.s provenant pour la plupart du petit écran (Christina Applegate, Ryan Phillippe, Heather Graham, Mena Suvari, Denise Richards, etc.), en sus d'une Chiara Mastroianni perdue et d'un Jaason Simmons (Alerte à Malibu) acceptant de plein gré de casser son image policée de beau gosse des plages californiennes en interprétant un prédateur sexuel.

A découvrir pour les plus curieu.x.ses



Nowhere | 1997 | 78 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : Gregg Araki 
Production : Gregg Araki, Andrea Sperling
Scénario : Gregg Araki
Avec : James Duval, Rachel True, Nathan Bexton, Kathleen Robertson, Christina Applegate, Guillermo Díaz, Ryan Phillippe, Heather Graham, Mena Suvari
Directeur de la photographie : Arturo Smith 
Montage : Gregg Araki
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Cronico ristretto : La maison de la mort - James Whale (1932)

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Réalisé avec une année d'intervalle entre les deux classiques Frankenstein (1931) et L'homme invisible (1933), le long métrage La maison de la mort de James Whale est disponible à partir du 27 janvier prochain en Blu-ray et DVD grâce à Carlotta films dans sa nouvelle version 4K. Après avoir longtemps été considéré comme perdu, La maison de la mort est devenu au fil du temps un classique du genre pré-gothique, ou plutôt, des genres, tant celui-ci magnait, quitte à froisser le public étasunien de l'époque encore peu habitué à ce mélange de drame, de frisson et d'humour noir. A découvrir.

Alors qu'iels traversent une région isolée du pays de Galles, Philip (Raymond Massey) et Margaret Waverton (Gloria Stuart) et leur ami Penderel (Melvyn Douglas) sont pris dans une terrible tempête. Iels trouvent refuge dans une vieille demeure tenue par Rebecca Femm (Eva Moore) et son frère Horace (Ernest Thesiger), secondé.e.s par Morgan (Boris Karloff), leur majordome muet et défiguré. Alors que deux autres visiteurs sont également hébergés, leurs hôtes font preuve d'un comportement de plus en plus inquiétant…
 
Cinquième long métrage dirigé par James Whale, celui-ci se distingue, comme le laisse suggérer son titre originel français Une soirée étrange, par son atmosphère teintée d'angoisse et de folie latente. Lieu de refuge pour ces naufragé.e.s de la route perdu.e.s sous une pluie diluvienne, la maison de leurs hôtes est une demeure hantée, non par des revenants et autres créatures surnaturelles, mais par ses occupant.e.s bien vivant.e.s, les Femm. De cette maison métaphore de la folie héréditaire des Femm, James Whale en limite volontairement l'accès au public, laissant libre court à son imagination avant l'apparition des autres membres de cette famille dysfonctionnelle, du patriarche Sir Roderick Femm (interprété par l'actrice Elspeth Dudgeon afin d'ajouter encore un peu plus de trouble) à Saul Femm (Brember Wills), qui est enfermé dans sa chambre car accusé par les autres membres de la famille d'être fou. 

 

Le scénario de Benn W. Levy et R. C. Sherriff prend le parti d'en dévoiler peu, par vignette, au gré des interventions des divers personnages, dont le terrifiant Morgan joué par Boris Karloff. Ce majordome qui s'avère être un ivrogne à la brutalité non feinte, au service supposé des Femm, n'est toutefois pas la menace principale qui rode. Soufflant le chaud et le froid, l'histoire alterne ainsi terreur et ambiance sinistre avec moments plus légers telle l'apparition de Sir William Porterhouse (Charles Laughton), dans son premier rôle dans un film hollywoodien. Plus intéressant et marquant le film comme un nouveau chapitre du Pre-Code, la présence de Gladys (Lilian Bond), amie entretenue par ce noble parvenu qui va tomber amoureuse du jeune vétéran pince sans-rire Penderel, est en opposition aux comportements puritains de Rebecca Femm dont Margaret Waverton en fera les frais lors d'une scène quasi hallucinatoire dans la chambre de la vieille femme. 

A (re)découvrir. 



The Old Dark House (La maison de la mort ) | 1932 | 72 min | 1.37 : 1 | Noir & Blanc 
Réalisation : James Whale 
Production : Carl Laemmle Jr.
Scénario : Benn W. Levy, R. C. Sherriff (non crédité) d'après le roman Benighted de J. B. Priestley
Avec : Boris Karloff, Melvyn Douglas, Gloria Stuart, Charles Laughton, Lilian Bond, Ernest Thesiger
Directeur de la photographie : Arthur Edeson
Montage : Clarence Kolster
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The Addiction - Abel Ferrara (1995)

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D'une décennie riche en longs métrages faisant la part belle au vampirisme, du Bram Stoker's Dracula (1992) de Francis Ford Coppola au Vampires (1998) de John Carpenter, les années 90 auront également vu Abel Ferrara, réalisateur de King of New-York et Bad Lieutenant, s'y intéresser. Une surprise ? Plutôt une demi-surprise tant ce dernier n'avait jamais, depuis ses débuts dans le cinéma d'exploitation, tiré un trait sur le cinéma de genre avec, deux ans plus tôt, la deuxième adaptation du classique de Don Siegel, Body Snatchers, l'invasion continueAvant-dernière collaboration entre Abel Ferrara et Nicholas St. John [1]ce film de vampires se démarque, pouvait-il en être autrement, par les thématiques personnelles abordées, le cinéaste et son scénariste livrant avec The Addiction une version urbaine et philosophique du vampirisme. Le film est désormais disponible en Blu-ray depuis le 24 mars dans une version restaurée approuvée par Abel Ferrara et son chef opérateur Ken Kelsch. 

Brillante étudiante en philosophie à l'Université de New York, Kathleen (Lili Taylor) prépare activement sa thèse de doctorat. Un soir, elle croise sur son chemin une étrange et séduisante femme (Annabella Sciorra) qui la conduit de force dans une impasse avant de la mordre au cou. Bientôt, Kathleen va développer un appétit féroce pour le sang humain qu'elle assouvira en attaquant ses proches ou des inconnus…

D'une trame évoquant fortement l'un des premiers moments forts de la filmographie d'Abel Ferrara, L'ange de la vengeance, soit le viol d'une jeune femme muette avant sa métamorphose en tueuse (les mémorables scènes finales de massacre des deux films se font également écho), The Addiction n'est ni un film d'exploitation comme son aîné de quatorze années, en dépit de son budget limité, ni sa relecture, mais plutôt son reflet déformé. 

Monstre gothique popularisé à la fin du XIXème siècle par Bram Stocker, et quelques années auparavant par Sheridan Le Fanu en prédatrice lesbienne, la vampire de Ferrara et St John est désormais réduite à une condition de junkie cherchant sa dose d'hémoglobine. De l'allégorie de la maladie vénérienne à celle de l'addiction à la drogue, le duo imprime la mythologie vampirique dans une modernité crue et sordide. Kathleen erre dans les rues de New-York à la recherche de victimes. Sa première est un sans-abri dont elle puisera le précieux liquide avec une seringue, avant de se l'injecter dans les veines. Au-delà de la simple métaphore entre l'addiction aux drogues dures et à la malédiction du vampire, la non-morte incarne désormais autant la droguée que l'incarnation de la dépendance elle-même. "Dedita ergo sum". La tentation de la chute ou de l'abandon est bien trop séduisante pour la victime, à l'instar de la supposée citation libre-arbitraire d'Annabella Sciorra : "Regarde moi et dis moi de m'en aller. Ne me demande pas, dis le moi".

 

Parodie demi-assumée de la part d'un réalisateur [2vampirisé par les concepts philosophiques de son scénariste, le long métrage frôle plus d'une fois la limite. D'une prétention relevant d'un pastiche assumé ou non, le scénario de St John, empreint de l'éducation catholique de ce dernier, s'avère toutefois plus convaincant quand celui-ci s'intéresse à la nature du Mal, le vampire jouant de nouveau le rôle d'allégorie. "Nous ne sommes pas mauvais pour le Mal que nous faisons, mais nous faisons le Mal car nous sommes mauvais". 

Filmé dans un noir et blanc dont le fort contraste évoque l'horreur graphique expressionniste plongée au cœur de la jungle urbaine d'un New York obscur et quasi cauchemardesque, au son de Cypress Hill, Onyx et Schoolly D, The Addiction, en sus de ses qualités esthétiques remarquables, se démarque par l'interprétation de ses actrices et acteurs [3]. D'une Lili Taylor habitée à la sublime Annabella Sciorra dont l'apparition et la scène de morsure est l'un des monuments du cinéma horrifique de la décennie 90, le film offre à Christopher Walken un rôle à sa mesure, celui d'un vampire ascète qui tente, en vain, d'inculquer à Kathleen le contrôle de son addiction. "Tu crois comprendre les choses mais tu ne sais rien [...] Tu es l'esclave de ce que tu es. Et tu n'es rien". 

Parmi les suppléments, l'édition de Carlotta comporte un documentaire réalisé en 2018 par Abel Ferrara, avec les acteurs Christopher Walken et Lili Taylor, le compositeur Joe Delia et le chef opérateur Ken Kelsch qui évoquent leurs souvenirs du tournage, un entretien avec le réalisateur et un document d'époque présentant Abel Ferrara en phase de montage à New York. 

A (re)découvrir. 


 


 The Addiction | 1995 | 82 min | 1.85 : 1 | N&B 
Réalisation : Abel Ferrara
Scénario : Nicholas St John
Avec : Lili Taylor, Christopher Walken, Annabella Sciorra, Edie Falco, Paul Calderón, Fredro Starr     Kathryn Erbe
Musique : Joe Delia
Directeur de la photographie : Ken Kelsch
Montage : Mayin Lo
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[1] Leur dernier film ensemble sera Nos funérailles l'année suivante.

[2] Les arguments d'Abel Ferrara dans les bonus ne convainc guère, du moins, laissons lui le bénéfice du doute. 

[3] Pour l'anecdote, le casting comporte trois act.eur.rice.s qui joueront dans la série de David Chase, Les Soprano : Edie Falco, Michael Imperioli et Annabella Sciorra. 

Cronico Ristretto : Squirm - Jeff Lieberman (1976)

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Remis sur le devant de la scène bis depuis la sortie des Oiseaux (1963) d'Alfred Hitchcock au début de la décennie précédente, le genre « invasion animale » connut un vif regain d'intérêt par la suite. D'un bestiaire composé principalement de fourmis, d'abeilles et d'araignées dans les années 70, d'autres scénaristes ont fait oeuvre d'originalité. Il convenait ainsi de s'épancher sur une menace longtemps mise à l'écart, celle des vers de terre anthropophages. Nous en voyons déjà ricaner, or, celle-ci n'est pas plus incongrue que la menace amphibienne (Frogs, 1972) ou, pire encore, lagomorphe (Night of the Lepus, 1972)... Premier long métrage de Jeff Lieberman, le mal titré en français, La nuit des vers géants, a gagné depuis ses galons mérités de film culte aux Etats-Unis, l'affiche du film apparaissant plusieurs fois dans le non moins culte Blow Out (1981) du maestro Brian De Palma [1]

Fly Creek, petite ville de Géorgie. Le soir du 29 septembre 1975, une violente tempête s'abat sur la région, les lignes électriques sont renversées et déversent des centaines de milliers de volts dans le sol humide. Le lendemain, Mick (Don Scardino), jeune new-yorkais, arrive en bus pour rendre visite à sa nouvelle petite amie, Geri (Patricia Pearcy), une habitante de Fly Creek. Le couple devient le témoin d'étranges événements, la découverte puis la disparition d'un squelette dans la propriété de l'antiquaire Aaron Beardsley, ou la présence d'un ver dans le soda de Mick. Les deux jeunes décident de résoudre le mystère.
  
 

A défaut de vers géants, Squirm n'en demeure pas moins, près de cinquante ans après sa sortie, une agréable surprise. D'un argument fantastique saugrenu, ou la folie anthropophage de vers marins provoquée par des décharges électriques, qui aurait pu laisser craindre le pire en matière de délire scénaristique, Jeff Lieberman rend au contraire une copie, certes classique, voire scolaire en élève studieux, mais qui évite justement les écarts foutraques. Mieux, porté par son jeune couple attachant et intrépide, loin des clichés du genre, l'intrigue se met en place progressivement, à mesure que les événements et autres indices inquiétants apparaissent, avant l'attaque finale orchestrée par ses milliers de vers grouillants dans la maison familiale de Geri. 

Filmé à Port Wentworth en Géorgie, le long métrage s'inscrit également dans le genre redneck movies, qui connut deux ans plus tôt son acmé avec le tonitruant Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper. De cette rencontre entre un jeune citadin sûr de lui et une communauté rurale de hicks [2], soupçonneuse envers cet étranger, qui non content de venir troubler la quiétude de la bourgade, a séduit la belle enfant du pays, Jeff Lieberman en reprend les usuels codes, sans forcément marquer le trait, tant ladite menace ne provient pas des autochtones mais du sous-sol. En guise de figures locales, deux personnages masculins se démarquent : le shérif Reston (Peter MacLean) qui reste imperméable aux théories du blanc-bec Mick, qu'il prend vite en grippe, et Roger (R. A. Dow), éleveur de vers, et prétendant secret de Geri, dont le visage subira la voracité des invertébrés rampants (une des scènes marquantes du film dont les maquillages sont signés par un débutant nommé Rick Baker).

 

Jeff Lieberman se fit connaitre par la suite avec Blue Sunshine (1978) et le slasher Just Before Dawn (1981) sans jamais toutefois confirmer ce premier film prometteur.

A (re)découvrir. 



Squirm (La nuit des vers géants) | 1976 | 93 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : Jeff Lieberman
Production : George Manasse
Scénario : Jeff Lieberman
Avec : Don Scardino, Patricia Pearcy, R. A. Dow, Jean Sullivan, Peter MacLean, Fran Higgins, William Newman
Musique : Robert Prince
Directeur de la photographie : Joseph Mangine
Montage : Brian Smedley-Aston
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[1] A l'instar de l'affiche du cette fois-ci navrant Blood Beach (1980) de Jeffrey Bloom.

[2] On évoque également la hixploitation, hick pour péquenaud, pour décrire ce genre qui connut son heure de gloire entre les années 1960 et 1980. A lire l'ouvrage de Maxime Lachaud, Redneck movies. Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain, aux éditions Rouge Profond.

Cronico Ristretto : The Crazies - George Romero (1973)

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Quatrième long métrage de George Romero, The Crazies, distribué en France sous divers titres, dont le ridiculement opportuniste La nuit des fous vivants [1], signait le retour du réalisateur de La nuit des morts vivants au cinéma d'horreur, après la comédie contreculturelle There's Always Vanilla et sa chronique féministe teintée d'occultisme Season of the Witch. Mieux, là où La nuit avait été le spectateur involontaire du vent contestataire de son époque, The Crazies assume ouvertement et pleinement sa veine critique des années Nixon, loin de tout manichéisme.  

Dans les environs d'une petite ville de Pennsylvanie, Evans City, une arme bactériologique, nom de code "Trixie", s'est échappée à la suite de l'accident de l'avion militaire qui contenait ce virus. Les habitant.e.s sont rapidement infecté.e.s, chacun.e atteint.e de folie sanguinaire, à l'instar d'un père de famille qui assassine de sang froid femme et enfants, avant de brûler sa ferme. Le colonel Peckem (Lloyd Hollar) est envoyé pour contenir la situation tandis que la loi martiale est déclarée. La ville est désormais bouclée. L'utilisation de l'arme atomique est envisagée en plus haut lieu. Le couple Judy (Lane Caroll) et David (W.G. McMillan) prend la fuite, accompagné de Clank (Harold Wayne Jones), ami de David et également vétéran du Vietnam...
 
 

Enlisé dans les problèmes de post-production de son précédent film, Season of the Witch, George Romero se lança dans la foulée dans un nouveau projet dont il écrivit le scénario, d'après une première version intitulée The Mad People, signée Paul McCollough. Tourné en mars 1972 à  Evans City et à Zelienople, non loin de Pittsburgh, et doté d'un budget, comme à l'accoutumé, restreint (275 000 $), cette fausse séquelle du premier long métrage culte du réalisateur s'inscrit, de nouveau, comme un tour de force devant la maigreur des moyens usités. Fort du soutien de la population locale d'Evans City lors du tournage en guise de figuration (ce sont de vrais policiers qui jouent les policiers du film), The Crazies se démarque par son traitement radical. Véritable leçon de montage cinématographique lors de sa première partie, annonçant Zombie (1978), le film nous plonge en pleine guerre civile, de l'arrivée des militaires à leur débordement devant cette situation devenant très rapidement incontrôlable.

Témoin du désenchantement sinon de la défiance grandissante de la société civile étasunienne envers ses institutions, gouvernement et armée en tête [2], et en prémices au scandale du Watergate, le scénario évite le piège d'un manichéisme facile. L'état-major fait au mieux avec les moyens mis à sa disposition, mais l'impréparation et la confusion est telle dans ses propres rangs, que les bavures et autres dommages collatéraux sont inéluctables. Pire, les soldats présents sont aussi ignorants de la situation sanitaire que les habitant.e.s parqué.e.s, contaminé.e.s ou non, dans l'enceinte du lycée local. Parmi les rares survivants, Judy, David et Clank tentent en vain de quitter la ville. Dans leur fuite, iels rencontrent Artie Fulton (Richard Liberty) et sa fille Kathy (Lynn Lowry), un père un brin trop protecteur dont la folie deviendra le révélateur de pulsions inavouées, et une nouvelle allégorie pour Romero de la chute de la famille américaine, thématique récurrente du réalisateur depuis le séminal La nuit des morts vivants.

 

Film de crise marqué par la paranoïa des années 70, The Crazies marque encore les esprits, en attendant le chef d'oeuvre de George Romero, Dawn of the Dead.




The Crazies (la nuit des fous vivants) | 1973 | 103 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : George Romero 
Scénario : George Romero
Avec : Lane Carroll, Will McMillan, Harold Wayne Jones, Lloyd Hollar, Lynn Lowry, Richard Liberty, Richard France
Musique : Bruce Roberts
Directeur de la photographie : S. William Hinzman
Montage : George Romero
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[1] Ajoutons à la liste les non moins foutraques Cosmos 859 ou Experiment 2000 ?!

[2] Le massacre de Mỹ Lai (1968) et la fusillade de Kent State University (1970) restent encore dans les mémoires. 

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