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The Witch - Robert Eggers (2015)

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Remarqué et récompensé au festival de Sundance de 2015, lauréat du prix de la mise en scène pour Robert Eggers, The Witch aura autant suscité l'admiration que l'aversion du public tant ce long métrage s'éloigne des films d'horreur contemporains. Une position qui n'est pas sans rappelée l'une des révélations, ou présentée comme telle, de l'année 2014, It Follows. A l'instar du second film de David Robert Mitchell, le scénario écrit par Robert Eggers se démarque des usuelles histoires de possession qui font encore florès Outre-Atlantique, pour revenir sinon aux sources du mal, du moins, aux prémices des hallucinations hystériques qui envahirent l'ancienne colonie britannique, et qui aboutirent au procès des sorcières de Salem en 1692 dans le Massachusetts. Entre thriller psychologique et film fantastique, le film promettait beaucoup. Trop. A l'image de sa bande annonce. Les meilleures intentions ne font pas toujours les meilleurs films, mais n'allons pas trop vite...

Nouvelle Angleterre, 1630. La famille de la jeune Thomasin (Anya Taylor-Joy), ses parents et ses frères et sœur, est menacée d'être bannie par la communauté de colons à laquelle il appartient, le père William (Ralph Ineson) ayant une autre interprétation de la bible. La famille décide de quitter la colonie et de vivre à l'orée de la forêt voisine. Quelques temps plus tard, la famille étant désormais installée, la mère, Katherine (Kate Dickie), donne naissance à un cinquième enfant, Samuel. Tandis que celui-ci était sous la surveillance de Thomasin, Samuel disparaît mystérieusement non loin du bois... 
   
 

Production indépendante tournée en 25 jours, The Witch se distingue, en premier lieu, par le soin apporté au cadre et à l'atmosphère sombre, inspirée par cette période de désordre, minée par les luttes intestines et la paranoïa puritaine. Prenant le parti pris de l'authenticité, Robert Eggers décrit avec un soin particulier la vie de ces colons exilés, accordant une place prépondérante à moult de détails historiques, des costumes, aux décors, jusqu'aux dialogues et vocabulaire utilisés par les personnages (1), pas étonnant de la part d'un cinéaste qui est également chef décorateur et costumier depuis presque une décennie (2). Photographié par le chef opérateur, Jarin Blaschke, le film suit également cette même ligne esthétique austère, Blaschke indiquant par la suite que The Witch fut dans l'ensemble filmé en lumière naturelle. De ces choix techniques, plus la musique composée par Mark Korven (The Cube), et le jeu des acteurs, à l'image de la jeune Anya Taylor-Joy, révélation de The Witch, dans le rôle de cette fille ainée innocente, témoin et victime des tensions auxquelles sa famille est confrontée, tout concourrait à faire de ce film une œuvre marquante. Las. Les dés étaient pipés depuis le début.
 

Pris au piège d'un scénario bancal, The Witch déçoit à mesure que le récit progresse jusqu'à sa piètre conclusion. Pire, confronté à Rosemary's Baby, le long métrage ayant plusieurs fois été comparé au classique de Roman Polanski, l'histoire fait apparaître plusieurs incohérences proches du rédhibitoire. N'aurait-il été plus judicieux de semer davantage le trouble dans l'esprit du spectateur en laissant planer le doute sur l'existence véritable de la sorcière ? Au contraire, dès la disparition du petit Samuel, Eggers désigne la résidente des bois comme la première responsable (ou plutôt le catalyseur) des maux de cette famille de puritains, avant que celle-ci ne daigne, par la suite, s'occuper du fils ainé du couple en guise d'attaque finale. Un choix d'autant plus sujet à caution, que la majeure partie de l'histoire joue sur les tensions qui désagrègent cette famille : la défiance de la mère vis à vis de sa fille, le renoncement du père, le comportement des jumeaux qui prétendent communiquer avec le bouc, Philippe le noir, etc. De cette intrusion boiteuse du surnaturel, le scénario de The Witch et ses différents atermoiements laissent un goût d'inachevé, son dénouement grotesque soulignant encore un peu plus les erreurs de départ. Il y avait pourtant matière à développer, telle l'opposition entre l'homme et la nature. Au contraire, Eggers quitte les frontières de l'étrange, qu'il n'a jamais pleinement abordé, pour mieux verser dans un folklore satanique bon marché et prévisible, avec bouc luciférien en sus (3). Le cinéaste aurait voulu donner l'impression qu'il ne savait pas comment clore son film, il n'aurait pas fait mieux. Reste un sabbat, certes inutile, mais esthétique.
   
Décevant. The Witch augurait pourtant du meilleur.






The Witch | 2015 | 92 min
Réalisation : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers
Avec : Anya Taylor-Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie, Harvey Scrimshaw, Ellie Grainger, Lucas Dawson
Musique : Mark Korven
Directeur de la photographie : Jarin Blaschke
Montage : Louise Ford
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(1) Ce que ne manqua pas de souligner les premiers contradicteurs du film, ces derniers goutant peu à l'anglais du XVII ème siècle. 

(2) Eggers a travaillé pour de nombreux courts métrages dont l'un des premiers fut Hansel and Gretel qu'il mit en scène en 2007.

(3) Le réalisateur aurait sans doute mieux fait de s'inspirer davantage de Bergman ou Polanski.


Ogroff - N.G. Mount (1983)

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Présenté en avant-première mondiale lors de la première édition du festival du Super 8 organisé par la revue Mad Movies à Paris en 1983 (1), le film Ogroff jouit depuis cette date d'un culte, certes modeste, mais non démenti. Auréolé du titre de premier slasher français, cet OFNI, dans le paysage hexagonal, est l'œuvre de N. G. Mount, alias Norbert Moutier, créateur de Monster Bis, ou l'un des fanzines les plus connus de l'époque au côté du Ciné Zine Zone de Pierre Charles. Rêve insensé d'un amateur de cinéma bis décidé à tourner un long métrage d'horreur en Super 8, nanar gore invraisemblable réalisé avec une économie de moyens frôlant l'indécence, témoignage d'une époque révolue, Ogroff est tout à la fois, et bien plus encore. Diffusé par la suite dans les années 80 en VHS sous le titre Mad Mutilator, le film a été édité depuis en DVD par Artus Films dans une version collector trentième anniversaire. Culte.

Malheur à l'imprudent qui viendrait perturber la quiétude du résident et seigneur de la forêt Orléanaise : Ogroff. Pour ce bûcheron masqué, la Seconde Guerre mondiale n'est pas encore terminée. Nul peut échapper à sa folie meurtrière : homme, femme, enfant, pour chacune de ses victimes, la même sentence, mutilation, démembrement, puis la mort. 
  
 

1982, Norbert Moutier souhaite réaliser un film d'horreur de type slasher, premier du genre en France (2). Sans argent, celui-ci se tourne naturellement vers le format Super 8. En dépit des nombreuses limites qu'offre cette technologie, les prises se feront sans piste audio, ce format peu onéreux et pratique est tout indiqué. Pour le casting, la boutique de Jean-Pierre Putters, Movies 2000, va lui offrir quant à lui pléthore de figurants. Point de ralliement et plaque tournante des fans de cinéma bis et fanzineux de l'époque, le magasin compte parmi sa clientèle la communauté bisseuse parisienne : Jean-Claude Guenet, éditeur du fanzine Scream, François Cognard, éditeur du fanzine Rouge profond, Bruno Terrier, éditeur de Dans l’abîme du fanzinat, Alain Petit, éditeur du Masque de la méduse, Pierre Patin, éditeur du fanzine Zombi-Zine, Christophe Lemaire, futur journaliste à Starfix. Cerise sur le gâteau, Norbert Moutier convainc l'horrible docteur Orloff en personne, Howard Vernon, de participer au tournage de cette aventure bis dans le rôle d'un prêtre vampire.   

Filmé les week-ends en forêt Orléanaise, en fonction des disponibilités de chacun, le tournage d'Ogroff se distingue autant par la pauvreté des moyens et que par l'ambiance potache qui y règne, les figurants bisseux donnant le meilleur d'eux-mêmes, le tout sous la direction très premier degré de son metteur en scène. Avec ses effets spéciaux artisanaux, faits de bric et de broc, de gouache et de bidoche, le film profite également des premiers pas du talentueux maquilleur Benoit Lestang (3), venu prêté mains fortes en ajoutant une couche supplémentaire de papier-toilette et latex pour le reste de ces effets somme tout assez spécieux, dixit Jean-Pierre Putters en double qualité de victime et chef des zombies. Quant au fond, tout l'abécédaire du film d'horreur gore est convié : meurtres violents, (longues) poursuites dans les bois, cannibalisme, et morts-vivants en sus pour les retardataires. Miam.

 

Montée à la volée, avec ses bruitages et ses (maigres) dialogues (quasi inaudibles) ajoutés en post-production, Ogroff conjugue aussi bien le système D que le portnawak puissance 10. Inventeur d'une nouvelle façon de mixer, Moutier flirte avec l'avant-gardisme avec sa musique qui s'arrête net pour laisser passer quelques lignes de dialogues marmonnés (dont l'inoubliable "Lae-ti-tia, on va partir sans toi"), avant de reprendre les mélopées signées du dénommé Jean Richard. Unique.

Série Z nourrie au slasher (Vendredi 13 et consorts), Ogroff multiplie, on l'aura vite compris, les influences, jusqu'à verser dans l'invraisemblable. Passé une première partie où le scénario conte le quotidien de notre ogre des bois, composé de massacres et tortures de promeneurs et autres fauteurs de trouble, dont un mémorable combat épique entre le bûcheron armé de sa hache et d'un homme munis d'une tronçonneuse (Alain Petit dans une veste à carreaux du plus bel effet), le récit glisse vers l'improbable histoire d'amour entre notre serial killer forestier et la parente d'une des victimes d'Ogroff ; une héroïne kidnappée (interprétée par Françoise Deniel dont il s'agit du seul et unique rôle) en plein syndrome de Stockholm, encore sous l'émotion de sa nuit d'amour avec son amant masqué (on le serait à moins), qui va libérer par mégarde une horde de zombies allemands, précédemment emprisonnés dans le sous-sol de la cabane du seigneur des lieux. Quand Jason Voorhees et Leatherface croisent le chemin de La nuit des morts-vivants. Imparable.

 

Malgré l'amateurisme de la production (avec les problèmes de sous et surexposition on ne sait plus très bien s'il fait jour ou nuit durant la même séquence) et un nombre de situations toutes plus grotesques les unes que les autres (au hasard la destruction de la 2 CV), Ogroff dégage toutefois, entre deux fous rires, un réel parfum malsain. Du meurtre de la petite fille en ouverture, à la scène d'onanisme entre Ogroff et sa hache, Moutier paye son tribut à Tobe Hooper, l'aspect faits divers de province et les liens avec l'Occupation alimentant encore un peu plus l'ambiance poisseuse désirée par son réalisateur.

Avec un budget d'environ 15 000 francs, Norbert Moutier aura finalement réalisé son rêve. Un film, certes bourrés de défauts (doit-on finalement les énumérer ?), mais également attachant, et qui signe les débuts d'une carrière cinématographique jusqu'au-boutiste animée par la passion bis de ce singulier réalisateur/ producteur/scénariste.


CULTE !!
 
PS : Le DVD édité par Artus propose, en sus du film, les suppléments Ogroff, le bûcheron fou, un entretien avec Norbert Moutier, Ogroff, 30 ans après, un entretien avec les zombies / bisseux bénévoles du film, et la scène d'ouverture inédite.


En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

Verdict du Nanarotron :






Crédit photos : © 2012 Artus Films. Tous droits réservés.


Ogroff (Mad Mutilator) | 1983 | 87 min
Réalisation : Norbert Moutier (N.G. Mount)
Scénario : Norbert Moutier
Avec : Norbert Moutier, Françoise Deniel, Alain Petit, Jean-Pierre Putters, Christophe Lemaire, Howard Vernon, Pierre Patin
Musique : Jean Richard
Directeur de la photographie : Marc Georges
Montage : Philippe Brossard
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(1) Le documentaire Super 8 Madness ! de Fabrice Blin et Vincent Leyour, sorti en DVD par Metaluna Productions cette année, retrace cette glorieuse époque.

(2) La paternité du premier film gore est attribué à Jean Rollin et ses Raisins de la mort en 1978 avec Brigitte Lahaie.

(3) Benoit Lestang a débuté quelques mois auparavant dans La morte-vivante de Jean Rollin.

Le syndrome d'Edgar Poe - N. G. Mount (1995)

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Avant-dernier chapitre inattendu d'une filmographie atypique, avant un téléfilm étasunien Brooklyn Cop (1998) et un WIP longtemps reporté, et à jamais inachevé, dénommé Death Camp (1), Le syndrome d'Edgar Poe de N. G. Mount, alias Norbert Moutier, s'échappe quelque peu des précédentes productions de son auteur. Marquant la fin d'une époque d'intense activité, par la série de quatre longs métrages réalisés en moins de cinq ans jusqu'au mitan des années 90, ce syndrome peut, non sans raison, être considéré par les thèmes évoqués comme son film le plus singulier. Produit dans la foulée de Dinosaur from the Deep avec Jean Rollin, le métrage quitte la science-fiction ultra fauché pour verser dans l'hommage Sadien. Rien que ça. Mais n'allons pas trop vite.

En proie à de récurrents cauchemars et souffrant d'une santé mentale fragile, Roderick (Christophe Bier) croit être l'incarnation du grand écrivain Edgar Allan Poe. En pension chez sa tante (Sylvaine Charlet) depuis sa sortie de la clinique psychiatrique, le jeune homme est incapable d'écrire le moindre mot. Or la comtesse compte sur le futur roman de son neveu pour financer les réparations de son manoir, qui tombe inexorablement en ruine. Aidée par le trouble docteur Kemp (Gérard Stum), celle-ci invite le temps d'un séjour le professeur Waldemar (Robert André) accompagné de son épouse Morella (Brigitte Borghese), une dominatrice férue de sadomasochisme qui a pour mission de rallumer la flamme morbide de Roderick. Témoin de ces pratiques qui débouchent sur la torture et le meurtre de victimes ayant eu le tort d'accepter l'hospitalité de la propriétaire des lieux, Roderick retrouve finalement l'inspiration, tandis qu'un étrange individu vêtu de noir semble hanter les couloirs du château... 
   

Dernier volet d'une tétralogie débutée en 1992 avec Alien PlatoonLe syndrome d'Edgar Poe a de quoi surprendre l'habitué des productions signées par la N. M International (ça ne s'invente pas). Osons même l'écrire, celui-ci est sans doute, sinon le film le plus personnel, du moins le plus ambitieux de Norbert Moutier. Croisement de multiples influences conjuguant l'esprit Sadien (par exemple Les Chasses du comte Zaroff) et l'œuvre de Poe par extension (le personnage principal porte le même prénom que celui de la célèbre nouvelle La Chute de la maison Usher), Le syndromeétonne également par ses partis pris formels. De l'utilisation (maladroite) de filtres et autres instruments de torture datant du moyen-âge « qui ne demande qu'à resservir » évoquant les films gothiques d'un Mario Bava par exemple, le créateur du fanzine Monster bis y expose un goût du macabre jusque-là inédit... quitte à nous faire oublier l'amateurisme de la production et les incohérences d'une histoire portnawak. Pas sûr...


Filmé au Darkwood Castel (chez Sylvaine Charlet durant deux ou trois weekends, dixit Christophe Bier), Le syndrome d'Edgar Poe n'échappe pas aux habituels griefs des métrages mis en scène par Norbert Moutier. En sus d'une prise de son atroce lors du premier tiers (2), et d'une image aux qualités baveuses (tourné en vidéo, ce qui n'arrange rien), le film offre un panel croquignolet de personnages haut en couleur. Victimes de la cupidité de la comtesse et des élans sadicomeurtriers de la maitresse femme Morella, cette dernière n'hésitant pas à brûler la jambe de bois de son mari pour alimenter l'inspiration de notre écrivain raté : un serrurier (Christophe Lemaire) qui rentre dans une vierge de Nuremberg pour prouver sa fonctionnalité, l'envoyé de l'éditeur à la recherche d'une barrique de vin, le fiancé de Rowena (Quelou Parente), sœur de Roderick, qui accepte de boire une coupe offerte par ce dernier, alors que tout porte à croire que celui-ci a laissé mourir sa sœur enfermée dans un cercueil, etc., rien ne nous est épargné et plus encore, à l'instar du duel « épique » et viril entre ledit fiancé et le mystérieux homme en noir, le quota plan-nichon avec une demoiselle seins nus goûtant aux plaisirs simples du marquage au fer, et la scène nécrophile des familles entre Rowena et les restes d'un de ses aïeuls. 


Entouré pour des fidèles Sylvaine Charlet (qui signe également ici la musique) et Quelou Parente, de Christian Letargat, auteur du fanzine MovieGame, de sa muse ou apparenté Brigitte Borghese (3) et de l'incontournable Christophe Lemaire, Norbert Moutier peut également compter de nouveau (remember Howard Vernon dans Ogroff) sur la présence d'un invité prestigieux du bis, l'acteur et réalisateur Michel Lemoine, dans le rôle du professeur Goudron (?!) de la clinique psychiatrique. Quant à Christophe Bier, l'assistant (et plus encore) de Jean-Pierre Mocky (à l'époque), qui interprétait brièvement un avocat dans Dinosaur, sa prestation contraste avec celles de ses camarades de jeu, la forte théâtralité des situations et les dialogues ampoulés, qui vont de pair, étant finalement à double tranchant pour les protagonistes de ce conte macabre et fauché.
  
Une œuvre rare, une série Z quasi introuvable, à découvrir pour les amateurs éclairés de notre N. G. Mount national.

Verdict du Nanarotron :



PS : Un grand remerciement amical à Christophe Bier pour ses souvenirs de tournage.


Le syndrome d'Edgar Poe | 1995 | 97 min
Réalisation : Norbert Moutier (N. G. Mount)
Scénario : N. G. Mount
Avec : Christophe Bier, Sylvaine Charlet, Brigitte Borghese, Gérard Stum, Quelou Parente, Jean-Marie Burucoa, Michel Lemoine, Robert André, Christophe Lemaire
Musique : Sylvaine Charlet
Directeur de la photographie : K. Daverick
Montage : N. G. Mount
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(1) Connu également sous le titre de Britta The Torturer, avec Brigitte Borghese dans le rôle de la chef matonne à très forte personnalité, et inspirée par celui de Dyanne Thorne de la série Ilsa, le projet comptait également dans ses rangs Sylvaine Charlet, Gérard Stum, Claude Valmont et Christophe Bier dans rôle du médecin taré, avec main articulée et adepte d'expériences génétiques sur des embryons. "Le tournage débuta dans un établissement privée catholique en banlieue, avec l'apport technique du surveillant qui s'occupait aussi de la vidéo de l'école". Mais le tournage fut arrêté rapidement "quand le directeur, qui n'était pas au courant, a aperçu Borghese, toute vêtue de cuir, une cravache en main, qui se détendait dans la cours en fumant une cigarette" nous confia Christophe Bier !

(2) L'absence de perche fit que tout fut enregistré directement par le micro intégré de la caméra : "Le son est souvent le laisser pour compte des productions fauchées de l'époque" nous confia Christophe Bier. Il faut croire que dans le premier tiers, les comédiens ne parlaient pas suffisamment FORT ! 

(3) Cette autre grande fidèle de sieur Moutier a débuté dans sa « super production »Operation Las vegas avec Richard Harrison (excusez du peu), avant de jouer dans ses deux dernières créations, le téléfilm et le WIP précité.

Une femme dans la tourmente (Midareru) - Mikio Naruse (1964)

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Inédit en salles en France jusqu'à sa récente exploitation en décembre dernier, quelques mois après la rétrospective consacrée à son réalisateur, Mikio Naruse, à la Maison de la culture du Japon à Paris en avril 2015 (1), Une femme dans la tourmente sort pour la première fois en DVD dans le cadre du coffret L'âge d'or du cinéma japonais (1935-1975)édité par Carlotta qui sort ce 14 octobre.

Plus discret et secret que ses pairs Akira Kurosawa ou Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse (1905-1969) est devenu à l'instar de Yasujiro Ozu l'un des témoins privilégiés des bouleversements de la société nippone d'après-guerre. Réalisateur de 89 films entre le début des années 30 et la fin des années 60, Mikio Naruse a pratiqué plusieurs genres différents, avec toujours la même constante au niveau du récit qui se résume toujours par « une quête de bonheur matériel ou sentimental dans laquelle les personnages se lancent au mépris des convenances morales, quête toujours entamée mais jamais aboutie », comme le souligne Eléonore Mahmoudian dans le Dictionnaire en 101 cinéastes japonais inclus dans ledit coffret. Et Une femme dans la tourmente ne déroge pas à ce constat. Au contraire, ce mélodrame, récompensé en 1964 au festival de Locarno par le prix d'interprétation féminine pour Hideko Takamine, actrice préférée de Naruse, narre l'amour impossible et la passion refoulée de deux êtres stoppée par les conventions sociales de l'époque. Mais n'allons pas trop vite.

Au Japon, la récente ouverture d'un supermarché met à mal la santé financière des petits commerçants d'un quartier d'une petite ville de province. Veuve de guerre, Reiko (Hideko Takamine) s'occupe seule depuis dix-huit ans de l'épicerie appartenant à sa belle-famille, quand son beau-frère, d'une dizaine d'années son cadet, Koji (Yûzô Kayama), revient dans le giron familial après avoir quitté son emploi à Tokyo. Alors que sa famille attend de lui la reprise du magasin, celui-ci mène au contraire une vie oisive et dissolue, entre jeux d'argent, alcool et filles (2). Or la belle-famille de Reiko qui a d'autres projets pour l'épicerie...
 
 

Écrit par Zenzô Matsuyama, mari de l'actrice Hideko Takamine, Une femme dans la tourmente s'inscrit parfaitement dans les thématiques chères au réalisateur (le scénario est tiré d'une histoire écrite par Naruse). Mélodrame minimaliste teinté de critique sociale, ce long métrage suit de nouveau les destinées tragiques des gens de conditions sociales modestes, et en particulier le poids des conventions sociales qui pèsent sur les femmes. Sans emphase et avec réalisme, le style du cinéaste se caractérise par son absence de sensiblerie et son refus de créer artificiellement de l'empathie pour ses personnages. Nuancé, son propos n'en demeure pas moins féroce et pessimiste vis à vis des conséquences néfastes pour les plus précaires qu'engendrent la mutation de la société traditionnelle japonaise. 


Tour à tour portrait socio-économique d'une petite ville de province, représentation d'une famille japonaise puis photographie d'un couple, Une femme dans la tourmente permet à Naruse dans chacun de ces chapitres de mettre en lumière les maux qui secouent le Japon d'hier et d'aujourd'hui. De la découverte brutale de la société de consommation dont l'arrivée du supermarché en est le symptôme, le film décrit ainsi avec précision les moyens mise en œuvre (le métrage s'ouvre sur une camionnette sillonnant les rues faisant la réclame des dernières promotions), le cynisme des patrons (la séquence du concours de gavage d'œufs) et la mort programmée, au sens propre, comme au sens figuré, des petits commerces. La peinture austère de la cellule familiale n'échappe pas non plus à cette vision sans concession. Invitée à aller voir ailleurs après avoir fait prospérer le magasin familial, Reiko reçoit de sa belle-famille un « bon de sortie », sa présence contrariant les projets de transformation du magasin en supermarché. Reiko se voit ainsi tiraillée entre cette modernité forcée, trouver un nouvel époux, vivre une nouvelle vie, et le poids des traditions, rester fidèle à la mémoire de son défunt mari. Mais Reiko n'est en rien préparée à la déclaration d'amour que va lui avouer frontalement un soir Koji. De la remise en cause de son passé récent, au réveil de ses aspirations amoureuses pour un homme qu'elle ne peut se résoudre à aimer, le destin de Reiko se drape inexorablement d'un voile tragique.


Comme présenté en introduction, Une femme dans la tourmente est inclus parmi cinq autres classiques de l'âge d'or du cinéma japonais (Voyage à Tokyo de Yasujiro Ozu, Contes des chrysanthèmes tardifs de Kenji Mizoguchi, Harakiri de Masaki Kobayashi, Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Oshima et Je ne regrette rien de ma jeunesse d'Akira Kurosawa) et un dictionnaire des 101 cinéastes de cette période sous la direction de Pascal-Alex Vincent, enrichi d'un cahier d'illustrations.


Un mélodrame méconnu à (re)découvrir pour la subtilité des interprètes principaux et l'épure de sa réalisation.



Midareru (Une femme dans la tourmente) | 1964 | 98 min
Réalisation : Mikio Naruse
Production : Sanezumi Fujimoto, Mikio Naruse
Scénario : Zenzô Matsuyama d'après une histoire de Mikio Naruse
Avec : Hideko Takamine, Yûzô Kayama, Mitsuko Kusabue, Yumi Shirakawa
Musique : Ichirô Saitô
Directeur de la photographie : Jun Yasumoto
Montage : Eiji Ooi
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(1) La précédente rétrospective date de 2001 à la Cinémathèque française.

(2) A noter qu'une des petites amies est jouée par Mie Hama, connue pour avoir incarné trois ans plus tard l'espionne japonaise qui se marie avec James Bond dans On ne vit que deux fois.
  

Live report : John Surman - Théâtre du Châtelet, Paris, 8 octobre 2016

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Dans le cadre du festival Jazz sur Seine, du 7 au 22 octobre prochain, le saxophoniste britannique John Surman était convié lors d'une carte blanche à jouer au Théâtre du Châtelet. Étaient invités à cette soirée plusieurs musiciens et collaborateurs de longue date dont le contrebassiste Chris Laurence, la chanteuse norvégienne Karin Krog, le quatuor à cordes Trans4mation String Quartet et Jack DeJohnette, ancien batteur de Miles Davis et compagnon de route pendant trente ans du trio du pianiste Keith Jarrett.

Pour les présentations d'usage, indiquons qu'en plus d'être une figure de proue du jazz européen via le label ECM durant près de quatre décennies, John Surman peut se targuer d'être un souffleur atypique, doublé d'un explorateur à la recherche de nouveaux horizons sonores. Pour cela il suffit d'écouter par exemple son utilisation personnelle des boucles de synthétiseurs ou du re-recording (overdubbing en anglais) (1) sur Westering Home (1972) et Road to Saint Ives (1990). Concert scindé en deux parties bien distinctes, chacun de ces volets avait la tâche de mettre en lumière une des nombreuses facettes protéiformes de cet improvisateur, passé maitre dans l'art de la clarinette basse et du saxophone soprano et baryton.


Débutant par deux solos en guise de mise en bouche, John Surman convia pour le premier set Chris Laurence (comparse de Surman depuis Morning Glory en 1973), ainsi que les violonistes Rita Manning & Patrick Kiernan, l'alto Bill Hawkes et le violoncelliste Nick Cooper, afin de nous faire revivre l'esprit de Coruscating(2000) et de sa séquelle, The Spaces in Between, enregistrée six ans plus tard. Au croisement du jazz contemporain et de la musique classique, le sextette offrit comme on pouvait l'attendre une prestation des plus contemplatives, propres à jouer avec l'imaginaire de l'auditeur, à l'image des compositions Shadows of Lisbon ou l'oriental Lelek Geldi, sans oublier l'hommage au saxophoniste baryton de l'orchestre de Duke Ellington, Harry Carney, sur le profond et mélodique Stone Flower issu de Coruscating. Le meilleur était à venir.
  

A l'instar du premier set qui s'était ouvert par deux solos du souffleur, le second débuta par la présence de la chanteuse Karin Krog, le temps d'un duo avec le maitre de cérémonie en mode question-réponse avec voix déformée électroniquement pour la dame scandinave, puis l'introduction de l'invité spécial, Jack DeJohnette, au piano, pour la relecture de deux standards, In a Sentimental Mood de Duke Ellington et Hi-fly de Randy Weston. Une fois le batteur placé derrière ses fûts, Krog quittant la scène, la paire Surman / DeJohnette prit possession des lieux, leur duo faisant ainsi revivre l'une de leurs précédents collaborations, Invisible Nature, disque live issu de leurs performances lors des Tampere Jazz Happening et JazzFest Berlin en novembre 1999. Musique par nature post-Coltranienne (remember Interstellar Space signé Trane et son batteur Rashied Ali (2)), les deux vieux complices rejouèrent trois compositions du live précité, Mysterium, Rising Tideet enfin un funky Underground Movement, fausse relecture du Full Nelson de Miles Davis, avec le constat évident que l'âge des protagonistes n'altéraient en rien leur énergie. 

Le concert se conclut par l'entrée en scène de l'ensemble des musiciens en interprétant une chanson provenant du folklore norvégien, avant un rappel participatif (le public fut invité à tenir une note bourdon) sous la forme d'une reprise d'un titre provenant cette fois-ci du folklore irlandais. A défaut d'un second rappel (Surman indiquant à l'audience que le souffle lui manquait), le jazzman remercia de nouveau avec humilité un public conquis. 

Une belle soirée.
 
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(1) Le premier jazzman a avoir usé de cette technique de studio fut Sidney Bechet en 1941 pour le standard The Sheik of Araby.

(2) Le dernier album de Jack DeJohnette sorti cette année en 2016, In Movement, avec Ravi Coltrane, fils de, rend justement hommage à l'ancien batteur de Trane sur le titre éponyme Rashied.
 

Live report : All Them Witches - La Maroquinerie, Paris, 10 octobre 2016

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Chroniqué en janvier dernier, le troisième album des All Them Witches, Dying Surfer Meets His Maker, demeure, près d'un an après sa sortie le 30 octobre 2015, l'un des coups de cœur de l'année passée du RHCS. Auteurs d'un album conciliant feeling blues et groove stoner rock, les quatre musiciens originaires de Nashville étaient de nouveau de passage à Paris après leur précédent concert, le 8 mars dernier, à La mécanique ondulatoire. Dans le cadre de leur nouvelle tournée européenne de 17 dates, du 2 octobre à Bristol au 21 octobre à Anvers, faisant donc suite à leur précédente tournée sur le vieux continent en début d'année (1), ATW fit escale le 10 octobre à La Maroquinerie, pour un concert annoncé une fois encore complet, à l'instar de la majorité des dates de ladite tournée.

Accompagnant les étasuniens au cours de ce périple européen, les israéliens de The Great Machine avaient la charge d'ouvrir la soirée. Formation en provenance de Tel Aviv, le trio a à son actif trois disques, deux EPs, un premier sorti en mai 2013, un second en avril de cette année, et un album éponyme datant de décembre 2014. Adepte d'un stoner débridé, à l'image du look bigarré des frangins Omer et Aviran Haviv, guitariste et bassiste/chanteur, la musique de TGM évoque par moment le Mondo Generator de Nick Oliveri, entre desert rock, poussées punk et riffs plombés. Une bonne mise en bouche.
 
  

https://thegreatmachine1.bandcamp.com/


Plus de photos sur notre tumblr.

Setlist :
01. Martin / 02. Love / 03. Barbara / 04. 0280 / 05. Karma / 06. Redrum / 07. I Need You / 08. Sanzekellin / 09. Bitch


Pour ceux, qui comme le préposé, n'avaient pu se déplacer à leur date parisienne hivernale, le récent disque des All Them Witches Live in Brussels sorti le 16 septembre dernier, enregistré à l'Ancienne Belgique (2) cinq jours avant leur concert à La mécanique ondulatoire, a le mérite de donner un premier aperçu de la qualité de leurs prestations scéniques. Avec une setlist principalement axée sur les deux derniers albums, cinq titres provenant de Lightning at the Door et quatre du dernier Dying Surfer Meets His Maker (plus un inédit), le groupe débuta tambour battant avec l'efficace Dirt Preachers. Mené par leur charismatique chanteur/bassiste Michael Parks Jr, ATW délivra un show à la mesure des attentes. Envoûtante, tour à tour subtile et lourde, leur musique sur scène donna la pleine mesure de la progression et de l'expérience acquise par le groupe au cours d'une année des plus riches. A l'image du désormais classique titre Talisman, ATW confirma au besoin l'excellence de leur association d'âme bluesy, volutes psychédéliques et fièvres métalliques portée par la voix impeccable de Parks Jr, la guitare hypnotique de Ben McLeod et la batterie bucheronne (3) de Robby Staebler.

En attendant leur quatrième album enregistré le mois dernier et qui devrait sortir en février prochain.




https://allthemwitches.bandcamp.com/


Setlist :
01. Dirt Preachers / 02. Charles William / 03. The Death of Coyote Woman / 04. When God Comes Back / 05. Mountain / 06. Open Passageways / 07. Talisman / 08. 3.5.7 / 09. The Marriage of Coyote Woman / 10. Elk Blood Heart / 11. Blood & Sand / Milk & Endless Waters / Rappel : 12. Heavy Like a Witch
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(1) Une tournée de 14 dates du 27 février à Athènes au 13 mars 2015 à Vienne.

(2) La vidéo du concert est également disponible sur la chaine Youtubede la salle bruxelloise. 

(3) Gageons que la Bonzomania du garçon le fasse progresser quelque peu. Le solo de batterie est déjà une gageure dans le rock, alors quand celui-ci est effectué par quelqu'un de limité techniquement, en dépit de la bonne volonté affichée, l'exercice apparait des plus périlleux...

Don't Breathe - Fede Alvarez (2016)

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Auréolé de la mention du meilleur film d'horreur étasunien des deux dernières décennies (détrônant ainsi The Witch, ce dernier ayant destitué l'année précédente It Follows, et en attendant donc l'apparition d'un prochain film régicide en 2017 - vous suivez ?), Don't Breathe (1) du réalisateur Fede Alvarez aura créé la sensation au cours de cet été outre-Atlantique, cette production indépendante se payant même le luxe de faire jeu égal en terme de fréquentation avec les blockbusters estivaux lors de sa sortie fin août. Or, en dépit de plusieurs réserves, qui cette fois-ci n'ont rien de rédhibitoires (suivez le regard du préposé vers les deux films précités), avouons dès à présent que cette apparentée relecture inversée du classique Seule dans la nuit de Terence Young n'en demeure pas moins une bonne surprise. Mais n'allons pas trop vite comme le veut l'adage.

Banlieue de Detroit, Rocky (Jane Levy) rêve de rejoindre la Californie avec sa jeune sœur Diddy. Son quotidien se borne à commettre avec son petit-ami Money (Daniel Zovatto) et Alex (Dylan Minnette) divers cambriolages dans les maisons que gèrent la société de gardiennage du père d'Alex, ce dernier subtilisant le double des clefs détenues par son paternel. Un jour, Money apprends de la part de son receleur qu'un vétéran de l'armée vit seul dans un quartier abandonné avec la coquette somme de 300 000 dollars en liquide. Après un premier repérage et la découverte que l'homme est en fait aveugle, les trois délinquants décident de passer à l'acte le soir même...
 
 

Premier point, Don't Breathe n'est pas le film d'horreur annoncé. Le second long métrage de Fede Alvarez quitte l'horreur graphique du remake ultra sanglant d'Evil Dead, première réalisation de l'uruguayen adoubée par la paire Sam Raimi et Rob Tapert (2) via leur société de production Ghost House Pictures, pour prendre la forme d'un thriller efficace, claustrophobique à souhait. Second point, du scénario coécrit par le metteur en scène et Rodo Sayagues, compagnon de route d'Alvarez depuis ses premiers courts métrages, le film renverse les codes du sous-genre Home Invasion avec une inversion des rôles sinon jubilatoire, du moins originale.Dommage que le suspense anxiogène du titre se dilue dans sa second partie (trop de rebondissements tuent le rebondissement). Qu'importe, Don't Breathe remplit haut la main le cahier des charges, tandis que l'aiguille du trouillomètre s'éloigne rarement de la zone rouge. Dont acte.


Alors d'où proviennent lesdites réserves mentionnées en préambule ? Nullement de la forme, on l'aura compris, plutôt de la nature même de Don't Breathe, qui conforte l'impression donnée par une partie du cinéma d'horreur (au sens large) actuel et son cruel manque de subversion alors que celui-ci se nourrit directement du cinéma d'exploitation d'antan et autres grindhouse (3). Une copie tiède qui prouve qu'une interdiction aux moins de seize ans peut tout à fait se satisfaire d'une absence de transgression (4). Étonnant, non ? Ajoutons la pirouette morale qui permet de justifier le forfait de nos trois délinquants (contre toute attente, l'aveugle vétéran de l'armée ayant perdu sa fille n'est pas un saint...) et une fin décevante, et on comprendra aisément que Don't Breathe vaut davantage pour sa mise en scène que pour son scénario.
   
Porté par les convaincants Stephen Lang (5) (le colonel Miles Quaritch d'Avatar) et par Jane Levy (Mia dans le remake d'Evil Dead), Don't Breathe confirme le potentiel de Fede Alvarez. A suivre.
  
 
 

Don't Breathe (Don't Breathe - La maison des ténèbres) | 2016 | 88 min
Réalisation : Fede Alvarez
Production : Sam Raimi, Rob Tapert & Fede Alvarez
Scénario : Fede Alvarez & Rodo Sayagues
Avec : Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto
Musique : Roque Baños
Directeur de la photographie : Pedro Luque
Montage : Eric L. Beason, Louise Ford, Gardner Gould
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(1) A ne pas confondre avec le documentaire de Nino Kirtadze qui date de 2014.

(2) Découvert sur internet grâce à son court-métrage Ataque de Pánico! diffusé sur YouTube, Fede Alvarez signa un contrat avec la paire Raimi / Tapert qui se conclut par la réalisation du remake d'Evil Dead en 2013, puis la production du dit Don't Breathe.

(3) A l'instar du récent Green Inferno signé par l'un des pères du renouveau du Torture Porn, Elie Roth, qui suit sur les traces d'un Cannibal Ferox sans toutefois oser en reprendre les aspects les plus craspecs. 

(4) La découverte de la cave de la maison confirmant la malséance modérée évoquée plus haut.

(5) On a toujours du mal à croire qu'il s'agit du même acteur qui joue Freddie Lounds dans Le sixième sens de Michael Mann.

Manille - Lino Brocka (1975)

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Treizième long métrage du réalisateur philippin Lino Brocka, d'une filmographie débutée tout juste cinq années auparavant et qui en comptera pas moins soixante avant la mort prématurée de son auteur en 1991, Manille s'inscrit idéalement dans le cinéma indépendant de l'archipel. Fort d'un premier gros succès populaire en 1974 nommé Tinimbang ka ngunit kulang (inédit en France), portrait sans concession de la société philippine sous la dictature de Ferdinand Marcos, Brocka réalise dans la foulée deux films qui lui ouvriront désormais les portes de l'international : Manille en 1975 et Insiang en 1976 qui sera présenté au Festival de Cannes de 1978 (à la Quinzaine des Réalisateurs). Considéré comme un des chefs d'œuvre du cinéma philippin, Manille ressort dans les salles le 7 décembre prochain dans une version restaurée effectuée par La Cineteca di Bologna / L'Immagine Ritrovata (1), et supervisée par le directeur de la photographie du film, Mike de Leon.

Jeune provinciale de 21 ans, Júlio Madiaga (Rafael Roco Jr.) a quitté son île natale, Marinduque, afin de retrouver sa fiancée, Ligaya Paraiso (Hilda Koronel), dont lui et sa famille n'ont plus de nouvelles. A la recherche de sa bien-aimée, l'ancien pêcheur, à court d'argent, se fait embaucher comme ouvrier sur un chantier où il fait la connaissance d'Atong (Lou Salvador Jr.), collègue embauché cinq semaines plus tôt. Julio découvre peu à peu l'univers du sous-prolétariat à Manille entre prostitution, corruption et pauvreté extrême. Un jour, tandis que Julio accompagne Atong au marché pour acheter une chemise, Julio aperçoit la dénommée madame Cruz, la femme qui est responsable du départ de Ligaya pour Manille.
  
   
Adaptation d'un roman d'Edgardo Reyes intitulé Sa mga kuko ng liwanag (en français Dans les griffes du néon), Manille s'inspire ouvertement du mythe d'Orphée, parti à la recherche d'Eurydice au royaume des Enfers. Loin de l'adaptation musicale et poétique d'Orfeu Negro de Marcel Camus, le cinéaste dresse ici un réquisitoire à charge envers le régime dictatorial de Marcos et la situation désastreuse qui existe dans les quartiers pauvres de la capitale. De la perte de l'innocence de son personnage principal, de sa condition d'ouvrier exploité à celle de prostitué, au destin tragique de sa compagne vendue comme esclave sexuelle, Lino Brocka dépeint la cité comme un monstre tentaculaire qui dévore ses enfants les plus faibles. Implacable, cruel, le verdict est sans appel pour celles et ceux qui seraient fascinés par les lumières artificielles de Manille.

Principal instigateur du projet, le producteur et chef opérateur Mike de Leon signe une photographie en accord avec la mise en scène dichotomique de Lino Brocka, soit une stylisation de l'image en opposition avec la crudité de l'histoire. Caméra subjective, flashbacks stroboscopiques en guise de shoots mémoriels, le canevas néo-réaliste de départ se mue en une expérience cinématographique transcendant le réalisme social originel et le mélodrame traditionnel philippin. Récit frontalement pessimiste et anxiogène, Manille laisse, on l'aura vite compris, peu de place à l'espoir, chaque brèche se refermant brutalement sur elle-même, telle l'annonce de la mort d'Atong ou le sort réservé à sa sœur, chacune victime de la corruption et de la prostitution qui règnent dans les bas-fonds manillais ; quant aux chances d'ascension sociale, si celles-ci existent, ces dernières font basculer l'ancien opprimé en nouvel oppresseur.

   
Porté par le jeune Rafael Roco Jr (2) et Hilda Koronel, déjà présente dès le premier film de Brocka, Wanted: Perfect Mother, Manille conforte la figure engagée du cinéaste. Véritable film coup de poing, à l'image de sa conclusion brutale et désespérée (3). 
 


Crédits Photo: © 1975 THE FILM FOUNDATION / THE FILM DEVELOPMENT COUNCIL OF THE PHILIPPINES. Tous droits réservés.
 

Maynila : Sa mga kuko ng liwanag (Manille) | 1975 | 127 min
Réalisation : Lino Brocka
Production : Severino Manotok Jr. & Miguel de Leon
Scénario : Clodualdo del Mundo Jr d'après le roman "Sa mga kuko ng liwanag" d'Edgardo Reyes
Avec : Hilda Koronel, Bembol Roco (Rafael Roco Jr), Lou Salvador Jr, Tommy Abue, Joonee Gamboa, Pio De Castro III
Musique : Max Jocson
Directeur de la photographie : Miguel de Leon
Montage : Ike Jarlego Jr. & Edgardo Jarlego
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(1) Ces derniers étant déjà responsables de la restauration de Il était une fois en Amérique de Sergio Leone ou d'Études sur Paris d'André Sauvage.

(2) Avant qu'il ne porte le nom Bembol Roco et ne devienne une star du cinéma de l'archipel.

(3) Coïncidence fortuite, le règlement de compte final n'est pas sans rappeler celle du Taxi Driver de Martin Scorsese. 
 

L'étrangleur de Rillington Place - Richard Fleischer (1971)

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Réalisateur prolifique et versatile, Richard Fleischer aura incarné durant cinq décennies l'exemple type de l'artisan surdoué au service des grands studios, de ses débuts dans la série B au mitan des années 40 jusqu'à la fin des années 80. Né dans le sérail, son père, Max, est le créateur de Betty Boop et de Popeye, Fleischer junior aura également marqué son empreinte à Hollywood par sa capacité à toucher à tous les genres, avec la même envie et la même virtuosité, du film historique à grand spectacle, Les Vikings, à la fable SF, Soleil vert, en passant par la meilleure adaptation de Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers (1).

Au tournant des années 70, après le film de guerre américano-japonais co-réalisé avec Toshio Masuda et Kinji Fukasaku,Tora! Tora! Tora!, retraçant l'attaque sur Pearl Harbor, Fleischer traverse l'Atlantique et signe la mise en scène deux productions britanniques : L'étrangleur de Rillington Place et Terreur aveugle (2). De ces deux films inclus dans le coffret collector récemment édité par Carlotta, sorti le 9 novembre dernier, accompagné du polar seventies Les Flics ne dorment pas la nuit, L'étrangleur de Rillington Place se place comme une œuvre marquante, à plus d'un titre, dans la riche filmographie du réalisateur étasunien. Dernier volet de son cycle criminel débuté en 1949 avec L'assassin sans visage, suivi dix ans plus tard par Le génie du mal, Ten Rillington Place s'inspire à l'instar de L’Étrangleur de Boston (3) de l'histoire vraie d'un tueur en série ayant sévi cette fois-ci en Angleterre au mitan du siècle dernier. Reconstitution d'un fait-divers atroce, L'étrangleur de Rillington Place est devenu au fil du temps un classique, et un vibrant plaidoyer contre la peine de mort. Mais n'allons pas trop vite...
 
Londres, 1949. Timothy (John Hurt) et Beryl Evans (Judy Geeson) emménagent avec leur petite fille Géraldine au 10 Rillington Place au dernier étage d'un immeuble situé dans le quartier populaire de Notting Hill. Ils sympathisent rapidement avec leurs voisins du rez-de-chaussée, les Christie. Or Beryl de nouveau enceinte, songe sérieusement à se faire avorter, le couple n'ayant pas les moyens d'élever un second enfant. John Christie (Richard Attenborough) apprend la nouvelle de la bouche de Bery. Lui déclarant qu'il a déjà suivi des cours de médecine, celui-ci propose au couple de pratiquer l'avortement. Mais derrière ses airs courtois et respectables se cache en réalité un meurtrier…


Tiré du livre éponyme de Ludovic Kennedy publié en 1961, L'étrangleur de Rillington Place suit de deux années l'abolition de la peine de mort en Grande Bretagne, à laquelle l'ouvrage fut une pièce importante dans le débat qui ébranla la couronne dans les années 60. Adoptant la même posture que celle de Kennedy, qui fut conseiller technique pour la production, Fleischer réalise ici sans conteste son film le plus engagé, et un de ses plus noirs sans nul doute. D'un récit glissant dans le sordide à mesure que l'on découvre les méfaits et la personnalité sinistre de John Christie, de 1944, date du meurtre de Muriel Eady à 1953, date de son arrestation, L'étrangleur de Rillington Place se pose clairement contre la peine de mort en exposant le sort tragique de Timothy Evans, exécuté et accusé à tort du double meurtre de son épouse et de sa fille.

Tour à tour thriller psychologique glaçant et drame social réaliste, le long métrage dépeint avec authenticité cette période d'après-guerre, Fleischer signant ici un modèle de mise en scène tantôt stylisé, tantôt ultra documentée (le film fut tourné pour les plans extérieurs à Rillington Place). Virtuose dans sa manière de filmer les espaces exigus (il n'use pas du subterfuge cinématographique du « 4ème mur »), depuis le remarqué L'énigme du Chicago Express (1952) dans lequel les trois quarts du métrage furent tournés dans un wagon grâce à la technique de la caméra portée, Fleischer tire profit d'une économie de moyens salutaires lui permettant de souligner le côté oppressant et la promiscuité de ces logements à la piteuse salubrité.


Techniquement et brillamment discret, le film jouit également d'une grande puissance allusive, dépassant le simple cadre de son sujet principal, celui d'un tueur en série. Fleischer ne s'appesantit pas sur les motivations de Christie (la scène introductive délivre suffisamment d'éléments et d'informations sur sa nécrophilie et son impuissance), mais davantage sur son pouvoir manipulatoire et le rapport de forces qu'il établit avec son entourage moins éduqué et d'un milieu social plus défavorisé. Porté par la prestation troublante de Richard Attenborough, le propos du film doit enfin beaucoup à celle du débutant John Hurt, nominé aux BAFTA, pour son interprétation mémorable du rustre et naïf Timothy Evans.
 





Crédit photos : L’ÉTRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE © 1970, RENOUVELÉ 1998 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.


10 Rillington Place (L'étrangleur de Rillington Place) | 1971 | 111 min
Réalisation : Richard Fleischer
Scénario : Clive Exton d'après le livre de Ludovic Kennedy
Avec : Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood
Musique : John Dankworth
Directeur de la photographie : Denys N. Coop
Montage : Ernest Walter
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(1) Si sa boulimie ne l'empêcha pas d'être responsable de plusieurs faux-pas, on restera pas contre plus mesuré quant aux films réalisés après la seconde moitié des années 70, sa filmographie se concluant par les affreux Amityville 3D, Conan le destructeur et Kalidor.

(2) Sans compter un troisième long métrage la même année : Les complices de la dernière chance avec George C. Scott.

(3) Le titre français de 10 Rillington Place jouant justement la proximité avec le film de 1968.
 

La Colline a des yeux - Wes Craven (1977)

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Apparu en 1972 avec le sulfureux La Dernière Maison sur la gauche, lointaine relecture trash de La Source d'Ingmar Bergman, Wes Craven revenait cinq ans plus tard avec La Colline a des yeux. Inspiré d'un faits divers écossais qui se serait déroulé entre le XIIIème et XVIème siècle (1), ce second film s'inscrit une fois encore, sous l'apparat du film d'exploitation, comme un portrait au vitriol de la famille américaine. Après un premier opus, réminiscence de la fin des utopies flower power, qui décrivait la vengeance brutale de parents après le viol et le meurtre de leur fille, Craven poursuit sa réflexion, du moins sa description, de la décomposition du modèle familial avec ce second film apparenté au genre survival. Récit d'une famille WASP aux prises avec une tribu de cannibales, La Colline a des yeux est de nouveau dans les salles ce 23 novembre prochain dans une nouvelle version restaurée 4K, avant la sortie de l'édition collector du 40ème anniversaire le 7 décembre. A bon entendeur.

La famille Carter a quitté son Ohio natal pour rejoindre Los Angeles. En chemin, le patriarche Bob (Russ Grieve), officier de police à la retraite, décide de faire un détour par le désert du Nevada pour visiter une mine d'argent désaffectée. En dépit des avertissements du propriétaire de la station-service, les Carter se dirigent vers la mine située dans une zone d'essai de l'aviation américaine. Quand survient un accident de la route, la famille se sépare afin d'aller chercher du secours. Mais ils ignorent encore qu'ils sont espionnés par Jupiter (James Whitworth) et sa tribu...


Avant de connaitre un succès planétaire avec le premier volet de la franchise Freddy Krueger, Les Griffes de la nuit (1984), précédant l'échec critique de son troisième film (2) La Ferme de la terreur (1981) et du décevant La Créaturedu marais l'année suivante, Wes Craven s'est distingué par la production de deux longs métrages à petit budget qui marquèrent durablement l'inconscient du cinéma indépendant US des années 70. Tourné deux ans avant le fameux Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, l'éprouvant La Dernière Maison sur la gauche amorçait ainsi le renouvellement d'une terreur cinématographique exploitant au mieux le relâchement de la censure (ce qui n'empêcha pas le premier film de Craven, tout comme le second, d'être censuré dans plusieurs pays, et de subir de nombreuses coupes (3) afin de ne pas être classé Rated X aux USA).

D'une intrigue évoquant le chef d'œuvre de Hooper précité, à savoir l'intrusion d'un groupe d'individus sur le territoire d'une famille d'anthropophages, Craven permute à dessein les traditionnels jeunes innocents par une famille américaine à tendance conservatrice plongée dans une nature hostile. Collusion brutale d'un modèle dit civilisé contre la sauvagerie d'une bande de primitifs, le réalisateur du Sous-sol de la peur (1991) malmène sans ménagement ses personnages WASP, à l'image de la confrontation entre les deux patriarches qui se conclura par la mise à mort de l'ex-chef Carter. Enfin à l'instar de The Last House on the Left, Craven prolonge sa thématique de dislocation des mœurs civilisés en faisant basculer les Carter vers une animalité et une violence psychotique, à la fois guidées par leur instinct de survie renaissant et catalysées par l'environnement aride et rocailleux du désert. Un sentiment de perdition et de radicalité que la fin abrupte ne manque pas d'accentuer (4).  


Filmé en 16 mm par un chef opérateur, Eric Saarinen, rompu à l'exercice documentaire, et fort d'un directeur artistique, Robert A. Burns, ayant fait ses preuves dans The Texas Chainsaw Massacre, The Hills Have Eyes distille un climat brut propice aux divers débordements barbares des deux camps susmentionnés. Images granuleuses, atmosphère sale mêlée de sang et de poussière, autochtones dégénérés au physique déformé (Michael Berryman dans un de ses premiers rôles), le film déploie un abécédaire horrifique en marge des traditionnelles mises en scène hollywoodiennes.
 
Un film emblématique du cinéma d'horreur des années 1970 à (re)découvrir.



Crédits photo : © 1977 BLOOD RELATIONS COMPANY. Tous droits réservés.


The Hills Have Eyes (La Colline a des yeux) | 1977 | 89 min
Réalisation : Wes Craven
Production : Peter Locke
Scénario : Wes Craven
Avec : Susan Lanier, Robert Houston, Martin Speer, Dee Wallace, Russ Grieve, John Steadman, Michael Berryman, Virginia Vincent et James Whitworth
Musique : Don Peake
Directeur de la photographie : Eric Saarinen
Montage : Wes Craven
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(1) Ou l'histoire du clan du dénommé Alexander "Sawney" Bean qui aurait tué et mangé plus d'une centaine de malheureux bougres.

(2) Tout aussi moyen, voire carrément mauvais n'hésitons pas à l'écrire, L'été de la peur (1978), s'il fut exploité au cinéma en Europe, était à l'origine un téléfilm.

(3) Le montage initial, non content d'en faire les frais, est désormais perdu.

(4) L'édition collector proposera une version avec fin alternative.

The 'Burbs - Joe Dante (1989)

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Deux années après sa relecture délirante et parodique du Voyage fantastique de Richard Fleischer nommée L'aventure intérieure, Joe Dante revenait aux affaires avec cette fois-ci une comédie satirique, The 'Burbs, portrait caustique de l'American way of life et de la vie en banlieue dans les petites villes étasuniennes. Obscur long métrage en France, ce dernier n'ayant bénéficié d'aucune sortie en salles dans l'hexagone (on y reviendra), The 'Burbs a connu Outre-Atlantique une autre destinée. Au départ succès modeste lors de sa sortie, celui-ci accéda au cours de la décennie suivante au statut de film culte. Et une comédie mordante signée du père des Gremlins disponible pour la première fois en Blu-Ray le 1er décembre en version restaurée 2K dans le cadre des coffrets ultra collectors de Carlotta (1).

Missouri. Ray Peterson (Tom Hanks) habite Mayfield Place, rue sans issue située dans la ville de banlieue Hinkley Hills. En congé pour une semaine, ce père de famille a choisi de profiter de la quiétude de son quartier, en dépit des remontrances de son épouse Carol (Carrie Fisher). Or d'étranges événements ont lieu depuis qu'une nouvelle famille, les Klopek, s'est installée dans la rue. Non contents de rester invisibles aux yeux du voisinage, de négliger l'entretien de leur demeure et de leur terrain, ces derniers sont rapidement soupçonner par Ray, Art (Rick Ducommun), et le lieutenant vétéran Mark Rumsfield (Bruce Dern) d'être responsables de la disparition de leur voisin Walter. Les trois voisins décident alors de les espionner...
 

Filmé à la fin du mandat de Ronald Reagan, The 'Burbs s'inscrit par son ton subversif comme une attaque en règle contre la vision utopique et caricaturale des banlieues présentée durant la décennie 80. Mieux, Dante exploite les stéréotypes des banlieues pavillonnaires pour davantage satiriser certaines valeurs conservatrices de l'Amérique des classes moyennes. Ridiculisant le comportement de ces habitants à la vie hyper codifiée, à travers le fouineur Art ou le vétéran Rumsfield, avec peignoir à l'imprimé camouflage en sus, le réalisateur dénonce, du moins se moque ouvertement, de l'atmosphère paranoïaque régnant en ces lieux. Élément perturbateur aux codes du savoir-vivre des banlieues, les Klopek, voisins murés, quasi invisibles, constituent une anormalité dans ce milieu policé. Avec leur physionomie toute droite sortie d'un film de monstres, du neveu lycanthrope Hans au savant fou Werner, sus un thème musical et divers effets cinématographiques caricaturaux associés au film d'horreur, ces nouveaux riverains de Mayfield Place incarnent idéalement le cliché du voisin bizarre... Avant d'apparaître par la suite aux yeux de Ray et consorts en dangereux satanistes (à l'instar de l'adolescent de Vampire, vous avez dit vampire ? de Tom Holland qui croit reconnaître en face de chez lui un congénère du comte Dracula) après la disparition de Walter.

Grand adepte de l'hybridation des genres, Joe Dante n'oublie pas de faire entrecroiser dans The 'Burbs ses familières inclinations tant du point de vue narratif que visuel. A partir d'un environnement des plus quelconques, le réalisateur de Small Soldiers étoffe en premier lieu différents aspects de la comédie : de la satire à l'humour noir, en passant par le burlesque estampillé cartoon (la scène où Art se fait électrocuté), avant de lorgner vers le thriller et le fantastique, à mesure que le récit décrit les activités louches ou supposées de ces singuliers voisins.


Doté d'un budget de 18 millions de dollars, The 'Burbs en rapporta plus du double. Succès public modéré (il fut toutefois en tête du box-office US hebdomadaire deux semaines de suite), le film rencontra par contre un accueil critique des plus sévères. Ajoutons un sujet qu'on pourrait taxer trivialement d'américano-américain, il n'en fallait sans doute pas plus aux distributeurs français pour snober la sortie du nouveau film de Joe Dante (le titre Les banlieusards étant réservés à la Belgique). Choix d'autant plus étonnant que Tom Hanks avait connu un certain succès l'année précédente en France avec Big. Fin de l'aparté.
 
Tourné dans les studios d'Universal, dans la fictive Colonial Street (qui sera utilisée deux décennies plus tard pour matérialiser Wisteria Lane dans la série Desperate Housewives), le film a la particularité d'avoir été filmé lors de la grève des scénaristes de 1988. D'un scénariste désormais interdit de plateau (2), Dante profita de ce nouvel espace de liberté pour offrir plus de place à l'improvisation en s'appuyant sur l'imagination de ses acteurs, devenus, par ce concours de circonstances, coscénaristes de fortune. Enfin, le réalisateur de L'aventure intérieure pouvait compter, en plus des acteurs principaux dont Bruce Dern débridé, sur plusieurs figures récurrentes de son cinéma telles Wendy Schaal, Henry Gibson, ou le duo Dick Miller / Robert Picardo (3). Comme en famille.


Long métrage signant la sixième collaboration entre Jerry Goldsmith et Joe Dante, The 'Burbs offre au final une amusante vision décalée de l'American way of life. Le réalisateur y opère ici avec brio et malice une farce gentiment grinçante où sa cinéphilie fait une fois encore merveille.

Le coffret contient comme suppléments une préface de Frank Lafond, la copie de travail d'origine, issue de la VHS personnelle de Joe Dante, comparaison des principales différences entre la copie de travail et la version cinéma du film, la fin alternative, un entretien exclusif avec le réalisateur, plusieurs archives promotionnelles et Les monstres de Mayfield Place, le livre de 200 pages qui revient sur la genèse du film, y explore certains thèmes clés et retrace la carrière Joe Dante, de Jerry Goldsmith et de l'ensemble des acteurs.

A (re)découvrir.



Crédits Photos : THE ‘BURBS (LES BANLIEUSARDS) © 1988 UNIVERSAL CITY STUDIOS, INC. Tous droits réservés. TM & © 2016 UNIVERSAL STUDIOS INTERNATIONAL BV. Tous droits réservés.


The 'Burbs (Les banlieusards) | 1989 | 101 min
Réalisation : Joe Dante
Scénario : Dana Olsen
Avec : Tom Hanks, Bruce Dern, Carrie Fisher, Rick Ducommun, Corey Feldman, Wendy Schaal, Henry Gibson & Dick Miller
Musique : Jerry Goldsmith
Directeur de la photographie : Robert M. Stevens
Montage : Marshall Harvey
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(1) Ce cinquième coffret fut précédé par ceux consacrés à Body Double, L'année du dragon, Panique à Needle Park et Little Big Man.

(2) A défaut de pouvoir participer à une éventuelle réécriture du script lors du tournage, Dana Olsen put contourner cet obstacle en qualité de producteur du film et acteur (il joue un des policiers de la scène finale).

(3) Plus Corey Feldman, alias le jeune Pete Fountaine dans Gremlins, qui allait désormais tomber dans les limbes de l'oubli / du ridicule / etc.
 

Les flics ne dorment pas la nuit - Richard Fleischer (1972)

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Chronique sur le quotidien d'une brigade de nuit de Los Angeles, librement adaptée du premier roman éponyme de Joseph Wambaugh (1) publié en 1971, The New Centurions, traduit en français par le pertinent Les flics ne dorment pas la nuit (on y reviendra), est sorti en DVD et Blu-Ray le 9 novembre dernier dans le cadre du coffret que lui consacrait Carlotta (accompagné de L'étrangleur de Rillington Place et Terreur aveugle). Mise en scène dans la foulée des deux films précités, ces derniers appartenant à sa brève parenthèse britannique, ce polar urbain situé au cœur des quartiers défavorisés de Los Angeles se présente aujourd'hui comme une des œuvres majeures du réalisateur de Soleil vert. Mais n'allons pas trop vite...

Roy Felher (Stacey Keach), Gus Plebesly (Scott Wilson) et Sergio Duran (Erik Estrada), trois nouvelles recrues, rejoignent la police de Los Angeles. Le premier, étudiant en droit, le second, père de famille, et enfin le dernier, ancien membre d'un gang, sont chacun affectés à un collègue expérimenté qui vont leur apprendre les ficelles du métier. Dans les forces de l'ordre depuis près d'un quart de siècle, Andy Kilvinski (George C. Scott), associé à Roy, a acquis une connaissance inégalée du terrain, appliquant ce qu'il appelle la loi de Kilvinski. Happé par ces nuits de ronde, Roy devient obsédé par ce métier, au détriment de son entourage, négligeant son couple et sa petite fille...


Cinéaste protéiforme, Richard Fleischer s'est illustré dans quasiment tous les genres que pouvait compter le cinéma made in Hollywood, de ses débuts dans la série B au mitan des années 40 jusqu'à la fin des années 80 (2). Mais s'il doit rester un genre, le film noir fut sans conteste celui qui attesta avec le plus de caractère sa qualité d'auteur (reconnu malheureusement sur le tard). Réalisateur de L'assassin sans visage en 1949, suivi dix ans plus tard par Le génie du mal, de L’Étrangleur de Boston en 1968 puis enfin de L'étrangleur de Rillington Place, Fleischer marqua ainsi chaque décennie son empreinte sur le genre. Coïncidence volontaire ou non, après s'être penché sur le cas des tueurs psychopathes, les deux projets suivants du réalisateur des Inconnus dans la ville (3) abordèrent strictement le point de vue des forces de l'ordre : des anonymes policiers du LAPD des Flics ne dorment pas la nuit au modeste détective du NYPD interprété par Charlton Heston dans Soleil vert

Aboutissement du film urbain couplé au film noir pour son atmosphère fataliste voire dépressive, Les flics ne dorment pas la nuit se démarque donc des productions policières de l'époque par son ambition paradoxale, celle de nous conter le quotidien nocturne d'une unité de police dans les quartiers défavorisés de La Cité des Anges (déchus). Peinture rigoureuse d'une vie professionnelle désespérée et destructrice pour ses protagonistes, le film décrit ces policiers comme des « centurions », selon les propres mots de Kilvinski, condamnés à rester seul dans leurs vies, sacrifiant leur existence au maintien d'un ordre désormais précaire. D'un ton proche du documentaire, la majeure partie du film ayant été tournée en décors réels, Les flics ne dorment pas la nuit dénote la rigueur habituelle de Fleischer, celui-ci évitant tout sensationnalisme ou complaisance autour du métier de flic. Au contraire, en accord avec la dimension sociale souhaitée par le réalisateur, Fleischer ne fait pas ambages de la violence qui touche la société étasunienne des années 70, et dont ces policiers de terrain en sont les premiers témoins, acteurs et victimes collatérales : maltraitance infantile, bavure policière, alcoolisme et suicide dans la police, etc.

 
Non dénué d'une certaine tendresse envers ces héros anonymes du quotidien, derniers remparts d'une société en mutation, le scénario bascule à mesure vers une profonde mélancolie en dépeignant des hommes rongés par leur travail, réduits à leur seule fonction sociétale, au détriment de leur proche. De ce constat pessimiste, la retraite de ces « petits » flics, quand ils ne sont pas abattus en service, ne signe pas que la fin de leur vie professionnelle... Avec un récit composé de séries d'épisodes, Fleischer évacue tout morceau de bravoure ou situations comiques comme le voudrait ce modèle de buddy movie. Mieux, de cette supposée banalité, le film, en plus d'ausculter les maux de la société étasunienne d'hier et d'aujourd'hui, écarte rapidement les positions réactionnaires que l'on pouvait craindre, pour dresser à l'inverse un point de vue moral progressiste détonant pour l'époque, à l'image de Kilvinski qui prend la défense d'immigrés clandestins exploités par leur logeur, ou la romance de Felher avec une infirmière afro-américaine.

Mise en scène épurée, interprétation des acteurs d'une émouvante sobriété à l'instar d'un George C. Scott qui trouve ici un de ses plus beaux rôles, Richard Fleischer signe avec Les flics ne dorment pas la nuit un film bouleversant, au rythme de la musique funky du grand Quincy Jones.

Un classique à (re)découvrir.



Crédits photos : LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT © 1972, RENOUVELÉ 2000 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.


The New Centurions (Les flics ne dorment pas la nuit) | 1972 | 103 min
Réalisation : Richard Fleischer
Production : Robert Chartoff & Irwin Winkler
Scénario : Stirling Silliphant d'après le roman de Joseph Wambaugh
Avec : George C. Scott, Stacey Keach, Jane Alexander, Scott Wilson, Rosalind Cash
Musique : Quincy Jones
Directeur de la photographie : Ralph Woolsey
Montage : Robert C. Jones
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(1) Son troisième roman The Onion Field fut adapté en 1979 sous le titre français Tueur de flics avec John Savage et James Woods.

(2) A l'exception de la comédie musicale, on ne voit pas très bien quel genre il n'a pas touché ! L'homme ayant toutefois goûté au genre musical avec le drame Le chanteur de jazz (1980) avec Neil Diamond.

(3) Les inconnus dans la ville (1955) avec Victor Mature, autre film noir notable, a pour sujet un hold-up.
 

Q (Épouvante sur New-York) - Larry Cohen (1982)

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Producteur, réalisateur et scénariste pour le petit puis le grand écran, Larry Cohen s'inscrit dans la liste des principaux artisans étasuniens, et autres parangons de la série B, assimilés aux genres horrifique et science-fictionnelle. Auteur de nombreux films d'exploitation, Larry Cohen a la première particularité d'avoir signé ses débuts au cinéma avec un des plus gros succès de la blaxpoitation,Black Caesar (1973) dont la postérité aura par la suite retenu la bande originale composée par James Brown (1). L'année suivante, le père de la non moins culte série tv, Les Envahisseurs (1967), réalise son premier long métrage fantastique avec It's Alive (Le monstre est vivant), Prix spécial du jury au Festival du film fantastique d'Avoriaz en 1975, et premier volet d'une future trilogie qui comptera rapidement une suite en 1978 (2).

Grand admirateur des œuvres de Raymond Chandler et des films noirs des années 40, par extension il signa plusieurs scénarios pour la série Columbo entre 1973 et 1974, Cohen fut recruté en 1981 pour écrire le scénario de l'adaptation de I, the Jury, premier roman de Mickey Spillane et premières aventures du célèbre détective privé Mike Hammer, avec Armand Assante dans le rôle-titre. Renvoyé en cours de production pour divergences, le futur réalisateur de The Stuff, jamais à court d'idées, lance dans la foulée son nouveau projet portnawak, Q, ou la renaissance par une secte du dieu aztèque Quetzalcoatl dans le New-York des années 80. Rien que ça.
  
La police de New-York doit résoudre une série de meurtres étranges depuis la découverte d'un laveur de vitres décapité après une chute de plusieurs centaines de mètres. Au même moment, les détectives Shepard (David Carradine) et Powell (Richard Roundtree) sont en charge d'une seconde enquête tout aussi insolite, un cadavre écorché de la tête au pied dans une chambre d'hôtel. Tandis que Shepard fait le lien entre cette victime et une série de meurtres rituels, Jimmy Quinn (Michael Moriarty), escroc minable qui participe au braquage d'une bijouterie, découvre au sommet du Chrysler Building l'existence d'un nid géant et de plusieurs cadavres...

   
Seconde production de Samuel Z. Arkoff (sans être crédité) pour Larry Cohen, dont la société Arkoff International Pictures finança par exemple les classiques Le corbeau (1963) de Roger Corman, La planète des vampires (1965) de Mario Bava, ou bien encore, dans le cas du réalisateur qui nous intéresse, la séquelle de Black Caesar, Casse dans la ville, Épouvante sur New-York, dans sa version française, s'apparente davantage à un hommage aux films de monstres des années 50 qu'à une opportuniste resucée du genre dans le sillage du King Kong de 1976 (clin d'œil détourné, après l'Empire State Building et les Twin Towers, on saluera la production d'avoir choisi le dernier gratte-ciel emblématique new-yorkais qu'est le Chrysler Building et une scène finale évoquant évidemment le funeste destin du roi Kong). Doté d'un budget des plus limités (un million de dollars environ), le film ne pouvait de toute façon nullement joué dans la même catégorie que le remake signé par la paire De Laurentiis / Guillermin, de là à se douter que Cohen userait de ficelles usées jusqu'à la corde en cachant la misère avec une intrigue secondaire des plus envahissantes. Quand l'ennui se confond avec la désagréable sensation s'être fait dupé.


Passé les quelques boulotages d'usage de new-yorkais par notre serpent volant géant (3), avec en prime une séance introductive gore, et un non moins sympathique et unique « plan nichon» proposé par madame Bobbie Burns, le constat est sans appel, l'histoire tourne à vide, Carradine tue le temps à dessiner des serpents volants sur son carnet, et le spectateur à compter les apparitions croquignolesque du dieu aztèque. On comprend dès lors les raisons qui ont poussé Cohen à développer plus que nécessaire l'histoire autour du personnage de Jimmy Quinn. Salué par les critiques de l'époque (dont Roger Ebert), la performance de Michael Moriarty (4) laisse aujourd'hui perplexe tant celle-ci s'accorde assez mal avec le matériau de base bisseux. Tour à tour brillant, tour à tour horripilant (surtout), Moriarty occupe, entre deux rares attaques reptiliennes, la majeure de l'espace au détriment de l'attendu cahier des charges, et de ses petits camarades de jeu ? Rien n'est moins sûr. Richard Roundtree attend son chèque, et David Carradine confirme son légendaire détachement / j'm'en foutisme (rayez la mention inutile), capable du meilleur, Le gang des frères James (1980) de Walter Hill, comme du pire ici présent, en attendant l'heroic-fantasy pouet-pouet Kaine le mercenaire (1984).

  
Comme évoqué plus haut, avec un budget aussi restreint, des acteurs diversement concernés, et une histoire à côté de la plaque, les effets spéciaux d'Épouvante sur New-York ne pouvaient décemment pas sauver un tel film. Créés par la paire David Allen (Hurlements, Willow) / Randall William Cook (la trilogie Le seigneur des anneaux), responsable du mésestimé Laserblast(on reconnait à l'écran leur style) et du talentueux Peter Kuran (Robocop, Beetlejuice), les trois spécialistes du genre font avec les moyens du bord. Pour amateurs de stop-motion. Dernière maigre consolation, le long métrage offre des vues aériennes soignées de New-York (5). On s'accroche à ce que l'on peut. C'est dire...

Un bel exemple de nanar foireux et de rendez-vous manqué.
   
A suivre...

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

Verdict du nanarotron :


Q (Épouvante sur New-York) | 1982 | 93 min
Réalisation : Larry Cohen
Scénario : Larry Cohen
Avec : Michael Moriarty, Candy Clark, David Carradine, Richard Roundtree, Eddie Jones, Mary Louise Weller
Musique : Robert O. Ragland
Directeur de la photographie : Fred Murphy
Montage : Armond Lebowitz
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(1) Un succès qui sera suivi par sa séquelle Hell Up in Harlem la même année avec toujours son quatuor d'acteurs, Fred Williamson, Gloria Hendry, Julius Harris et D'Urville Martin. A noter que la bande originale de Hell Up in Harlem fut cette fois-ci composé par Edwin Starr, auteur du hit War en 1970.

(2) Le premier film ne fut un succès qu'à partir de sa seconde sortie en 1977, expliquant ainsi les raisons qui poussèrent la séquelle à être tournée dans la foulée.

(3) Un Quetzalcoatl sans plume mais muni de pattes...

(4) Epouvante sur New-York marque le début de la collaboration entre Cohen et Moriarty qui jouera par la suite dans The Stuff, It's Alive III (La vengeance des monstres), et Les enfants de Salem (séquelle des Vampires de Salem).

(5) Hélicoptère piloté par piloté par un des as du métier Al Cerullo (on lui doit encore cette année celle du dernier Jason Bourne).

Funky front covers - Part X

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Jouez hautbois, résonnez musettes ! Elles sont de retour, chantons tous l'avènement de la dixième saison des Funky front covers ©, ou une fois encore, le meilleur du pire des pochettes les plus insolites ou sexuées des musiques funk, disco et consorts des années 70 et 80.

Commençons en douceur, et offrons à notre lectorat féminin en guise d'apéritif quelques conseils avisés en matière de mode capillaire eighties :

  

Cousine du grand Sam Cooke, Carolyn Strickland, plus connue sous le nom Carol Douglas, débuta dès l'âge de 15 ans sa carrière de chanteuse professionnelle en 1963 avec le single I Don't Mind (Being Your Fool). Dernier album de sa carrière (1), I Got Your Body pourrait apparaître de prime abord bien timoré, surtout pour ceux qui gardaient en mémoire le sémillant déshabillé de la dame en couverture de son précédent album Come Into My Life (1979). Erreur ! Le préposé en veut pour preuve la prestation de miss Douglas pour la télévision néerlandaise et son single You're Not So Hot. Premier album de Meli'sa Morgan, Do Me Baby (1986), du nom de sa reprise de la ballade de Prince, originellement sortie sur Controversy (1981), confirme au besoin la folie capillaire qui déferla sur les années 80. Version ultime de la choucroute gaufrée, miss Morgan offrait en quelque sorte une réponse à sa consœur Shannon et son electro-pouet-pouet sur son Do You Wanna Get Away (1985).

Des délires capillaires au mise en scène débridée, il n'y a qu'un pas... 

  

Troisième album de la formation Shalamar, introduisant par la même occasion le chanteur Howard Hewett, en remplacement de Gerald Brown, le bien nommé Big Fun (1979) poursuivait la fantaisie graphique de Disco Gardens. Encore plus débridé que leur précédent disque, Big Fun signait également le plus grand succès commercial de ce groupe emblématique du disco étasunien avec les tubes Right in the Socket ou Take Me to the River. Autre trio évoquant cette fois-ci une version féminine du Parliament de George Clinton, de par leur look carnavalo-science-fictionnel, le trio Stargard composé de Rochelle Runnells, Debra Anderson Janice Williams fit parler d'elles en 1977 avec un des tubes R&B de cette année What You Waitin' For, chanson éponyme de leur deuxième album. Dernier trio de notre exposé, Lady Flash, soit Debra Byrd, Lorraine Mazzola et Monica Burruss, fut le trio vocal et chœurs attitrés de Barry 'Copacabana' Manilow durant les années 70. Unique album des dames, avant que celles-ci ne se séparent, Beauties in the Night sorti en 1976 marquait également l'une des dernières collaborations avec Manilow, ce dernier faisant office pour ce disque de compositeur, producteur et arrangeur.  

Que ne serait les Funky front covers sans un florilège de nos plus beaux mâles avec cette année une spéciale fratrie! 

  

Auteurs du tube Never My Love pour le groupe The Association en 1967 pour leur album Insight Out, les Addrisi brothers purent à loisir profiter des royalties de cette bluette easy listening tant celle-ci fut reprises par une multitude de chanteurs et de musiciens : d'Astrud Gilberto à Grant Green, de David Hasselhoff à Billy Crawford ! Dix ans plus tard, Don et Dick remirent le couvert et les pieds dans la piscine pour leur second album éponyme, avec une version que n'auraient pas renié les frères Gibb. Musiciens pour Bobby Womack et Billy Preston, avant de se lancer dans une carrière en duo entre 1976 et 1988, les Brothers Johnson cassèrent littéralement la baraque en 1980 avec leur quatrième album, et dernière collaboration avec Quincy Jones qui les suivait depuis leurs débuts. Porté par leur tube Stomp!, ce disque qui déborde sans équivoque d'émotion lumineuse bien placée fut enregistré, pour la petite histoire, en même temps que le multi-platiné Off The Wall, qui non content d'avoir le même producteur, partageait également nombre de musiciens, Michael Jackson participant en sus aux chœurs et à l'écriture de This Had to Be. Quant aux amatrices et amateurs d'éphèbes permanentés tout de cuir vêtu, After Midnight des Valverde Brothers devrait réjouir les derniers récalcitrants ! A l'écoute de leur seul et unique album, et de leurs reprises disco du classique de J.J. Cale ou du Layla de Derek and the Dominos, on comprend très vite que le disque fut enregistré afin de profiter du succès de Santa Esmeralda...

Que la température monte d'un cran, que les t-shirts se pâment de volupté transparente, humide ou non...

  

Inconnue (à peu de chose près) en France, María del Rosario Mercedes Pilar Martínez Molina Baeza, dit Charo, incarna à partir des années 60 l'archétype de la starlette dans son pays d'adoption, les Etats-Unis, celle-ci multipliant les apparitions télévisuelles dans divers shows, dont celui d'Ed Sulllivan, jusqu'à obtenir l'ultime consécration avec pas moins de huit apparitions dans la série La croisière s'amuse. Mariée à 15 ans au maestro Xavier Cugat (de cinquante et un an son aîné), Charo se lança dix ans plus tard en 1977 dans une carrière solo. Accompagnée du  Salsoul Orchestra pour ses trois premiers albums, l'équivoque Cuchi-Cuchi marquait dès lors ses débuts discographiques. Caliente. Amorçant leur virage vers une musique davantage destinée aux clubs, avant de gagner le titre honorifique d'auteur de la première chanson rap avec King Tim III (Personality Jock), précédant de quelques mois le culte Rapper's Delight du Sugarhill Gang, Yum-Yum (1975) du Fastback band, mené par le batteur Bill Curtis, eut le bon goût d'éviter toute néfaste ambiguïté en ajoutant une innocente sucette afin de dissiper tout malentendu. En attendant le fameux postérieur évoqué lors de la première édition des FFC sur Night Fever un an plus tard. Your Love, premier album de la formation canadienne Lime, composée de monsieur et madame Denis & Denyse LePage : est-ce l'effet conjugué de la perruque, du chemisier transparent ou du pantalon rayé, la chanson éponyme propulsa toujours est-il le couple montréalais numéro 1 du top dance étasunien. Étonnant, non ?  
 
Dernier tour de piste, les corps se dévoilent... 

  

Avec cet unique album, Jungle Drums (1978), la paire Honey Simone / John Brown put séduire les amateurs d'exotisme en toc, et d'amours saphiques pourrait-on enchérir. Pas seulement, il suffisait pour cela de retourner ledit 33 tours des Wild Fantasy, et de découvrir par la même occasion un autre genre d'amitié somme toute plus virile. Second album du Charles Blackwell disco orchestra, Boogie Down ! (1978) jouait de nouveau la carte des corps dénudés après un Mess Around qui annonçait déjà la couleur deux ans plus tôt. Du constat premier que les filles sont décidément bien joueuses dès qu'il s'agit de se découvrir entre elles, on ne s'étonnera plus de remarquer que les rollers étaient dans les années 70 aussi un accessoire des plus érotiques, à l'image du 45 tours Get Up Get Down Your feet des producteurs Peter Yellowstone & Steve Voice, alias Carte blanche (huitième du nom !). 

En vous donnant déjà rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle saison des Funky front covers © !


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(1) A titre d'exemple, de ses six albums enregistrés entre 1975 et 1983, l'amateur éclairé de déviance musicale retiendra davantage la pochette pastel floral de son disque Full Bloom (1977) que sa reprise disco rancie des Doors, Light my Fire

Cris et chuchotements - Ingmar Bergman (1972)

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Présenté hors compétition au festival de Cannes en 1973, Cris et chuchotements d'Ingmar Bergman marqua durablement les esprits lors de sa sortie sur la scène internationale. Glanant de nombreuses récompenses durant ses trois premières années, du Grand prix technique à Cannes, à l'Oscar de la meilleure photographie pour le chef opérateur Sven Nykvist l'année suivante (1), au David di Donatello du meilleur film étranger accompagné d'un prix spécial pour la performance de ses quatre actrices, le long métrage soulignait, une fois encore, la place unique tenue par le cinéaste au-delà même des frontières suédoises. Portait brut de quatre femmes hantées par la mort, Bergman abordait dans Cris et chuchotements plusieurs de ses thèmes de prédilection avec un sens inégalé de l'esthétisme. Dans les salles depuis le 21 décembre dans une nouvelle version restaurée 2K, la ressortie du film offre un avant-goût de la prochaine rétrospective Bergman qui se tiendra à partir du 4 janvier 2017, où pas moins de douze longs métrages (2) du maître seront à (re)découvrir en version restaurée au cinéma.

Fin du 19ème siècle en Suède, quatre femmes sont réunies dans le manoir familial où l'une d'elle, Agnès (Harriet Andersson), se meurt d'un cancer. Entourée de ses deux sœurs, Karin (Ingrid Thulin) et Maria (Liv Ullman) qui se succèdent à son chevet, Agnès ne trouve qu'un semblant d'apaisement auprès de sa servante Anna (Kari Sylwan), avec qui elle entretient une relation privilégiée. La proximité qui s'est installée entre les femmes fait resurgir en chacune d'elles de vieux souvenirs…
 

A l'instar de PersonaCris et chuchotements s'inscrit dans ce même élan de liberté créative, Bergman allant de son propre aveu aussi loin qu'il le pouvait. Offrant une place prédominante et une confiance absolue en ses actrices, les « muses bergmaniennes » Harriet Andersson, Liv Ullmann et Ingrid Thulin, et la nouvelle venue Kari Sylwan, le cinéaste s'émancipe donc une fois encore, en rejetant les méthodes de travail qu'il avait précédemment utilisées. D'un scénario transformé en partition musicale libertaire dans Persona, celui de Cris et chuchotements trouve son origine, comme souvent chez Bergman, dans une vision faite trois ans auparavant, dans laquelle il vit trois femmes en blanc qui chuchotaient dans une pièce rouge. A partir de cette esquisse, le réalisateur livra une série de lettres envoyées à ses acteurs dans lesquelles il décrivit ses rêves. Tour à tour imprégné par la psychanalyse jungienne et par les propres souvenirs du cinéaste, le film se donne à voir comme une succession de tableaux construit autour de voix off et d'apparentés flashbacks centrés sur chacun des personnages féminins, ces derniers à l'image du titre antagoniste du film jouant avec l'ambiguïté de ces situations situées entre le rêve, le fantasme et le passé (on pourra juste regretter que contrairement à ses précédents films l'aspect irréel ou fantastique n'ait pas été davantage développé).


Filmé au manoir de Taxinge-Näsby, décor principal du film, dont les murs furent entièrement repeints en rouge pour les besoins du tournage (3), Cris et chuchotements se distingue également par la douceur de sa mise en scène, en contrepoint à la violence des rapports amour/haine entre les personnages et l'omniprésence de la mort qui rode, et ce même après le décès d'Agnès. De la virtuosité des costumes au travail d'orfèvre du directeur de la photographie, Sven Nykvist, répondant au choix difficile du réalisateur de filmer uniquement en lumière naturelle, le long métrage offre tout un panel de contemplation : variation subtile des lumières, en particulier sur les visages des actrices, omniprésence de certaines couleurs dont le rouge, jeu avec les ombres. 

Dernière collaboration du réalisateur de Monika avec son interprète Harriet Andersson, Cris et chuchotements est sans doute le film le plus bergmanien de son auteur. Peinture des plus violentes de la condition féminine, le cinéaste dresse un constat sans appel et sans complaisance vis à vis des conventions sociales et des conséquences dramatiques de l'éducation rigoriste.

Radical.





Crédits photos : CRIS ET CHUCHOTEMENTS © 1973 AB SVENSK FILMINDUSTRI. Tous droits réservés.


Viskningar och rop (Cris et chuchotements) | 1972 | 91 min
Réalisation : Ingmar Bergman
Production : Lars-Owe Carlberg
Scénario : Ingmar Bergman
Avec : Harriet Andersson, Kari Sylwan, Ingrid Thulin, Liv Ullmann, Erland Josephson, Georg Åhrlin, Henning Moritzen
Son : Owe Svensson
Directeur de la photographie : Sven Nykvist
Montage : Siv Kanälv-Lundgren
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(1) Le film fut également nominé à l'Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleurs costumes, faits rares pour un long métrage étranger tourné en langue non anglophone.

(2) soit Musique dans les ténèbres, La prison, Jeux d'été, Monika, Sourires d'une nuit d'été, Le septième sceau, Les fraises sauvages, La source, Les communiants, Persona, Scènes de la vie conjugale et Sonate d’automne

(3) Pratiquement en état de délabrement avant le tournage, le manoir est désormais une attraction touristique. 


Brigitte Lahaie, Le Disque de Culte - Alain Goraguer (2016)

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Rappel des faits. En octobre 2015, Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez lancent leur projet de livre consacré, dixit les auteurs, « aux exploits cinématographiques de Brigitte Lahaie ». Projet mûri depuis deux ans, la paire souhaitait rendre un hommage appuyé, et jusqu'à présent inédit, à l'icône de l'âge d'or du cinéma pornographique hexagonale, ainsi qu'à sa carrière dans le cinéma bis (chronique à venir). En supplément de cette annoncée bible, était également prévu lors de la première campagne de financement participatif le pressage d'un vinyle inédit comportant une sélection de musiques composées par Alain Goraguer, pour les films La Rabatteuse et Auto-stoppeuses en chaleur, tous deux signés par Burd Tranbaree alias Claude Bernard-Aubert, ou l'un des trois grands réalisateurs de films X des années 70 en France avec Gérard Kikoïne et José Bénazéraf. Septembre 2016, le duo lance une seconde campagne de financement principalement axée sur le disque, ce dernier devant comporter désormais onze morceaux inédits, numérisés, restaurés et remastérisés pour l'occasion, tous issus cette fois-ci de six films de Burd Tranbaree avec Brigitte Lahaie. 

La loi X (n°75-1278) du 30 décembre 1975 publiée au Journal officiel et mise en application le 1er janvier 1976 relégua les films pornographiques dans des salles spécialisées, les excluant par voie de fait des circuits de distribution traditionnel. Cerise sur le gâteau fiscal, ces films étaient désormais soumis à une TVA majorée (de 33 % contre 17,6 %), plus 20 % sur les bénéfices (pour soutenir les films dits « de qualité »), l'importation des films étrangers se voyant également prohibée par l'instauration d'une taxe forfaitaire de 300 000 francs. Attribué par une « commission du classement des œuvres cinématographiques » dépendante du ministère de la Culture, le classement X avait donc pour rôle de triller le (supposé) bon grain cinématographique de l'ivraie pornographique (1), et de participer ainsi activement, ni plus, ni moins, à la ghettoïsation d'un genre qui avait connu son heure de gloire sur tous les écrans français entre 1974 et 1975. Dont acte. Tandis que le nombre de salles spécialisées chute irrémédiablement entre 1975 et 1981, de 200 en 1975 à 136 en 1976 et 72 en 1981, certains professionnels du X, à défaut de pouvoir organiser une véritable résistance (2), vont paradoxalement composer avec ces contraintes nouvelles pour développer ce que l'on nommera l'âge d'or du cinéma X, à l'image du fondateur de la société Alpha France, Francis Mischkind (3).

Réputés pour leur production soignée, les longs métrages Alpha France verront l'émergence de nouveaux réalisateurs, tel Gérard Kikoïne, ou d'autres venus des circuits classiques à l'instar de Claude Bernard-Aubert, réalisateur de L'Affaire Dominici avec Jean Gabin dans le rôle titre en 1973, qui suite à l'annulation d'un de ses films en 1976 fut ruiné, et se lança dans la mode du cinéma X pour éponger ses dettes. Or tout en considérant, du moins à l'époque, ses films comme seulement de "très bons produits de consommation" (ces derniers s'inscrivant parmi les meilleures productions de la société de Francis Mischkind), le dénommé Burd Tranbaree n'avait pourtant nulle tendance à cacher un quelconque dilettantisme de la part de Claude Bernard-Aubert. Au contraire, en dépit d'un manque de moyens avérés, le réalisateur de Nuits brûlantes soignait la technique, et travaillait par exemple avec le même monteur et le même compositeur que pour ses autres films, soit respectivement Gabriel Rongier et Alain Goraguer sous les pseudonymes Roger Brigelain et Paul Vernon.

Alain Goraguer, arrangeur de Bobby Lapointe et de Serge Gainsbourg de la fin des années 50 au mitan des années 60, auteur de la bande originale du culte La Planète Sauvage de René Laloux, signa ainsi l'intégralité des musiques de Tranbaree (on lui doit également les musiques des films X de Serge Korber, sous le pseudonyme John Thomas, ou d'Alain Nauroy, sous le pseudonyme  Lino Ayranu). Avec le même professionnalisme et la même application que son partenaire réalisateur (4), Goraguer devint une figure incontournable du paysage X. Compositions célébrant le chic du porno de ces années dorées nourries au groove du jazz funk, celles-ci se démarquaient notablement des habituelles « musiques au mètre » généralement d'usage pour ce genre de production à budget limité.

Avec ses onze morceaux tirés de six films différents dont Parties de chasse en Sologne (1979) (aka La grande mouille lors de son exploitation en salles, puis renommé par Francis Mischkind pour sa ressortie en VHS), Brigitte Lahaie, Le Disque de Culte compile, à l'exception des deux extraits provenant de La Perversion d'une jeune mariée (Excès pornographiques) (1977) et Esclaves sexuelles sûr catalogue (Sarabande porno) (1977) le meilleur du compositeur pour Alpha France (précision : si les deux films cités ne furent pas exploité dans les salles par Alpha France, ils le furent par la suite en vidéo par Francis Mischkind), dont une face B entièrement consacrée à La rabatteuse. Du très groovy Denise se fait prendre en stopà l'évanescent funky L'ouvreuse fait son cinéma, la compilation offre donc un large éventail du talent de Goraguer/Vernon, ce dernier n'hésitant pas au besoin à ouvrir d'autres portes musicales, des ambiances carnavalo-brésilienne du Disco symphonie en rut majeur aux expérimentations électroniques de Marianne, la grande jouisseuse.

Un disque rare (5).





  
 
Titres :

Face A (16'36") : 01. Le journal intime de Marie-Christine (La Perversion d'une jeune mariée) / 02. Denise se fait prendre en stop (Auto-stoppeuses en chaleur) / 03. Chassez le naturel... (Parties de chasse en Sologne) / 04. Brigitte, femme libérée (Esclaves sexuels sur catalogue) / 05. Fièvres nocturnes pour Marianne (Nuits brûlantes) - 06. Marianne, la grande jouisseuse (Nuits brûlantes)

Face B (16'31") : 01. La Comtesse se dévergonde (La rabatteuse) / 02. Plaisir partagé d'une rencontre impromptue (La rabatteuse) / 03. Jocelyne et l'hôtesse s'envoient en l'air (La rabatteuse) / 04. L'ouvreuse fait son cinéma (La rabatteuse) / 05. Disco symphonie en rut majeur (La rabatteuse)
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(1Les films jugés incitant à la violence n'étaient plus seulement interdits au moins de 18 ans mais également classés X.

(2) A défaut de résistance, les professionnels joueront plutôt au chat et à la souris avec les censeurs en leur donnant des copies expurgées faites spécialement pour la commission. Un faux jeu de dupe, du moins jusqu'en 1981, car les censeurs étaient au fait de ces pratiques, mais acceptaient ces contournements à la règle tant l'industrie du X rapportait des sous aux caisses de l'Etat...

(3) Autre figure incontournable de cette époque, Jean-François Davy, dont les productions "contrairement aux pornos de luxe distribués par Alpha France", apparaissaient davantage comme "des séries B classées X, aux microbudgets" comme l'indique le spécialiste Christophe Bier.

(4) On peut lire dans le livre de Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez à propos de l'application de Bernard-Aubert et Goraguer que "le mixage sonore d'un film X pouvait prendre jusqu'à quatre jours où un film classique en prenait cinq".

(5) Rare dans tous les sens du terme car il ne sera ni repressé ni commercialisé par la suite, et qui aurait gagné à bénéficier de plus de titres !
 

Brigitte Lahaie les films de culte - Cédric GrandGuillot Guillaume Le Disez (2016)

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Résumé de l'épisode précédent : octobre 2015, assurés du soutien de Brigitte Lahaie, Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez se lancent dans le projet inédit de raconter la carrière cinématographique de l'icône du cinéma d'exploitation hexagonal, de ses jeunes années Xà sa carrière dans le bis européen de la fin des années 70 au mitan des années 2000. Après deux collectes réussies sur une plateforme de financement participatif (la seconde étant consacrée principalement à la réalisation de la nouvelle mouture du Disque de culte), et un passage remarqué au Forum des Images lors du Festival du Film de Fesses les 22 et 23 juin 2016, où un hommage à Brigitte Lahaie fut organisé par Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez (1), le projet se concrétisa fin de l'année 2016 avec la sortie du livre tant attendu.

Deux kilos deux cent trente grammes sur la balance, trois cent cinquante-deux pages au compteur pour plus de cinq cent photos (2), Brigitte Lahaie, les films de culte a tout d'une bible. D'un contenu centré sur l'icône Brigitte Lahaie, le livre n'en demeure pas moins un précieux témoignage d'une époque à jamais révolu, que l'on soit fan ou non de la dame. Actrice de plus d'une centaine de films, dame Brigitte imposa sa sculpturale présence dans à peu près tous les genres que comptaient le cinéma d'exploitation des années 70-80, en marge des grosses productions, la sexploitation bien évidemment hard ou softcore, mais également le cinéma fantastique en devenant la muse du réalisateur Jean Rollin (on y reviendra), plus d'autres apparitions diverses et variées comme sa collaboration avec la société familiale Eurociné de Marius Lesoeur (3), sa parenthèse policier hard boiled dans L'exécutrice (1985) de Michel Caputo (4), sans oublier sa rencontre avec René Château, qui produira Les prédateurs de la nuit (1988) réalisé par Jess Franco.   



De cette louable ambition de nous faire découvrir les faits marquants de la filmographie de Brigitte Lahaie, vingt-six films auront ainsi droit à une attention toute particulière, avec à chaque fois la présentation de « La scène culte », les deux auteurs font, n'hésitons pas à l'écrire, acte de salubrité bis. De ses débuts dans le cinéma pornographique en février 1976 (elle répondit à une annonce qui, sous couvert de rechercher un mannequin à forte poitrine, recherchait en fait une jeune femme pour filmer des inserts hard), ces derniers coïncidant avec l'année de l'application de la loi n°75-1278, le livre a la judicieuse de rappeler l'historique du X français, de l'avant à l'après 1975, jusqu'à la fin de l'âge d'or du X hexagonal. Riche en témoignages des personnalités du métier qui ont croisé son chemin, tel Gérard Kikoïne ou Burd Tranbaree, le livre aborde également les conséquences qu'auront sur la profession l'instauration de ladite loi, et la réponse des professionnels de l'époque en décrivant les spécificités techniques de ce cinéma de genre très particulier.

Avec les confidences de la première intéressée, Brigitte Lahaie, les films de culte offre un aperçu intentionnellement subjectif, mais toutefois représentatif, de la filmographie de « notre actrice la plus culte », selon les propres mots des auteurs. De ses premiers pas à son arrêt du X en 1980 après Les petites écolières de Claude Mulot, le livre, comme énoncé en préambule, dresse également le portrait d'un cinéma d'exploitation protéiforme dont la figure de Jean Rollin apparait, sinon indissociable, du moins liée à ses débuts d'actrice. L'histoire est connue des initiés. Une première fois croisée dans Vibrations sexuelles (1976), soit un des nombreux films pornographiques alimentaires du réalisateur de Requiem pour un vampire, signé de son habituel pseudonyme Michel Gentil, Jean Rollin resta en contact avec Brigitte, lui envoyant de temps en temps des cartes postales lui rappelant son envie de tourner ensemble un film fantastique. Deux ans plus tard, il lui proposa un rôle dans les Raisins de la mort (1978), premier film gore français, puis l'année suivante dans Fascination, où dame Brigitte troque son drapée blanc et ses deux molosses (en référence au personnage incarné par Barbara Steele dans le culte Masque du démon de Mario Bava), pour un drapé noir et une faux. Deux films, deux scènes cultes qui resteront à jamais gravées dans l'inconscient collectif des amateurs de bis. Suivrons d'autres collaborations dont La nuit des traquées (1980), et deux apparitions amicales dans Les deux orphelines vampires (1997) et La Fiancée de Dracula (2002).


D'une seconde moitié consacrée à sa carrière post-X, Brigitte Lahaie, les films de culte laisse par contre, au corps défendant des auteurs et de leur idole, une impression en demi-teinte, sa reconversion n'ayant pas été à la mesure de son désir de poursuivre une carrière classique, qu'elle mit en pause à la fin de la décennie 80. Face à la frilosité ou l'indifférence des professionnels du cinéma traditionnel, cantonnée à des rôles dans des films érotiques anecdotiques, et des apparitions sexy dans les sempiternelles comédies franchouillardes 80's, les auteurs nous faisant grâce de celles signées par Richard Balducci et consorts (N'oublie pas ton père au vestiaire..., Te marre pas... c'est pour rire!), dame Brigitte put néanmoins compter sur l'appui de quelques pointures et franc-tireurs au cours de la décennie, dont sa rencontre avec le fameux producteur/réalisateur suisse Erwin C. Dietrich et donc celle avec René Château (5), qui prendra en main sa carrière au mitan des années 80, pour le meilleur (il réédita en VHS l'intégralité de ses films Alpha France, créant pour elle la collection « Les grands classiques du X »), et pour le pire (difficile de prétendre que les Prédateurs de la nuit soit une réussite). Enfin, Cédric Grand Guillot et Guillaume Le Disez n'oublient pas d'évoquer les OFNIS de sa filmographie, le premier, un vrai, ADN, le dernier homme (1983) d'Ali Borgini, film fantastique maudit et inachevé, et le second, par son incongruité dans la filmographie bis de la dame, Les volets bleus d'Haydée Caillot, film produit par les Films du Losange pour la chaîne La Sept/Arte.

A ceux qui douterait finalement du bien fondé de l'entreprise et du statut culte attribué à Brigitte Lahaie, la dernière partie du livre s'intéresse à l'étude de la « légende Brigitte », dont les auteurs actent la naissance à la publication de son autobiographie, Moi, la scandaleuse, et son passage dans la foulée à l'émission phare d'Antenne 2 présenté par Bernard Pivot, Apostrophes, en 1987. Icône des productions érotiques et pornographiques durant les décennies 70-80, l'actrice devint dès lors aux yeux du grand public l'incarnation d'une « liberté sexuelle », les médias se rappelant au bon souvenir de son passé « sulfureux » au titre d'intervenante sur la sexualité, future transition à sa carrière d'animatrice radio à partir de 2001.

Un DVD bonus est inclus dans le livre avec la master-class du 23 juin 2016 (6).

Salutaire (7).



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(1) Le 22 juin, le film Erotica, inédit en salles fut projeté avec Brigitte Lahaie et Richard Allan, tandis que le lendemain, une rencontre prenant la forme d'une master-class fut organisée avant la projection de Prisonnières de l'île aux rats (Gefangene Frauen) d'Erwin C. Dietrich en version intégrale.

(2) Photos à caractère exclusivement érotique. Le livre est interdit au moins de 16 ans.

(3) A découvrir absolument le documentaire Eurociné 33 Champs-Elysées de Christophe Bier consacré à cette société de production unique dans le paysage hexagonal à qui l'on doit le culte Horrible docteur Orlof de Jess Franco, mais aussi Le lac des morts-vivants signé Jean Rollin sous le pseudonyme J.A. Lazer.

(4) Michel Caputo, réalisateur de nombreux films pornographiques dans les années 70-80 sous le pseudonyme Michel Baudricourt, et également coupable de la comédie Arrête de ramer, t'attaques la falaise !, sommet de la comédie foutraque.

(5) René Château a géré la gestion de l'image de Jean-Paul Belmondo de 1967 jusqu'au mitan des années 80, participant activant à la construction du mythe Bébel.

(6) Un DVD dont la fonction bonus n'est pas usurpé, le documentaire annoncé est en fait la master-class, avec une prise de son totalement infecte. Quant aux interviews et bande-annonces promises (celles que l'on peut voir sur la chaîne Youtube, Brigitte Lahaie, les films de culte), elles sont présentées durant ladite master-class et non dans le menu du DVD. Grosse déception.

(7) Dommage que le livre n'évoque pas la chanson Caresse tendresse (1987) composée par Claude Lemesle (vieux briscard ayant écrit pour Carlos, Douchka et Julio Iglesias pour qui il a écrit, excusez du peu, Je n'ai pas changé) et Mat Camison.

Chien enragé (Nora inu) - Akira Kurosawa (1949)

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Après une première rétrospective en mars de l'année dernière, qui voyait le passage en salle de pas moins de huit films en version restaurée (1) du maitre japonais Akira Kurosawa, dont les classiques Le château de l'araignée (1957), Les salauds dorment en paix (1960) et Yojimbo (1961), Carlotta complète ce premier cycle entamé avec huit nouveaux films (2) couvrant de nouveau trois décennies, des inédits Le plus dignement (1944) et Un merveilleux dimanche (1947) à Barberousse (1965).

De cette impressionnante filmographie débutée à l'âge de 25 ans au titre d'assistant-réalisateur pour la Toho, Chien enragé, second film de Kurosawa réalisé en 1949, fut longtemps considéré comme un classique oublié. Sorti deux ans avant le début de sa reconnaissance internationale avec le Lion d'or à la Mostra de Venise pour son film suivant, Rashōmon, ce film noir teinté de néoréalisme s'inscrit aujourd'hui ni plus, ni moins comme son premier chef d'œuvre. A (re)découvrir dans les salles à partir du 25 janvier.
  
Japon, été 1949. Le jeune inspecteur Murakami (Toshirô Mifune) se fait voler son arme de service par un pickpocket dans un autobus. Rongé par la culpabilité, il donne sa démission à son supérieur qui la refuse. Murakami décide dès lors d'enquêter lui-même en traînant dans les bas-fonds de Tokyo, où il découvre l'existence d'un trafic d'armes volées. Apprenant que son colt a servi à tuer une femme innocente, il est chargé par son supérieur d'assister le commissaire Sato (Takashi Shimura) en charge de retrouver le coupable. En interrogeant un trafiquant d'armes, ils apprennent que le criminel qu'ils recherchent n'est autre qu'un ancien soldat démobilisé dénommé Yusa (Isao Kimura)...

 
Troisième long métrage d'Akira Kurosawa avec son acteur fétiche Toshirô Mifune (ils tourneront ensemble seize films en dix-sept ans), Chien enragé poursuit la mue engagée par le cinéaste une année plus tôt avec L'ange ivre. D'une forme proche du film noir américain (Kurosawa indiquera s'être inspiré entre autre du classiquede Jules Dassin Naked City), avec son montage nerveux, ses personnages type et son atmosphère oppressante, Chien enragé appartient à la catégorie rare des films hybrides. A la croisée de multiples influences, d'un univers fortement dostoïevskien (le thème du double, récurrent chez Kurosawa, est symbolisé par les deux personnages Murakami et Yusa, soldats démobilisés aux trajectoires opposées) et d'un scénario tiré d'un roman écrit par le réalisateur lui-même à la manière de Georges Simenon, le film dépasse bien vite le simple cadre du film de genre. Marqué par les précurseurs du néoréalisme italien, le réalisateur livre un regard critique, sans concession, sur la société japonaise d'après-guerre. Insalubrité, prostitution, trafics en tous genre, le film ne fait nul ombrage de la situation des quartiers défavorisés de la capitale nippone. Point d'orgue de ce portrait au réalisme saisissant, la scène clef, d'une durée de presque dix minutes, qui montre le jeune détective déguisé en sans-abri errer dans les rues à la recherche de son arme (3).

Long métrage marquant la première collaboration d'Akira Kurosawa avec Ryûzô Kikushima (il signera par la suite les scénarios de nombreux classiques du réalisateur dont Le château de l'araignée, Yojimbo ou Les salaudsdorment en paix), Chien enragé compte également sur la présence d'un autre fidèle du cinéaste, Takashi Shimura (vingt et un films ensemble : de La légende du grand judo, premier long métrage officiel de Kurosawa, à Kagemusha, l'ombre du guerrier). Composant avec Mifune, l'archétype du duo de policiers, le jeune inspecteur idéaliste et le vieux détective, les deux acteurs reforment un duo, après leur première rencontre dans L'ange ivre, où chacun livre une prestation à la mesure des attentes du cinéaste. D'une rare authenticité (Kurosawa prend un soin particulier à décrire par exemple le travail de la police scientifique), fort d'une mise en scène au cordeau et d'une photographie inspirée, le film surprend encore aujourd'hui par sa modernité.

Augurant avec dix ans d'avance, Les salauds dorment en paix, un autre classique hybride du maitre japonais, Chien enragé s'inscrit parmi les grands films de son auteur.





Crédits photo : CHIEN ENRAGÉ © 1949, TOHO Co., Ltd. Tous droits réservés.


Nora inu (Chien enragé) | 1949 | 122 min
Réalisation : Akira Kurosawa
Scénario : Ryûzô Kikushima, Akira Kurosawa
Avec : Toshirô Mifune, Takashi Shimura, Keiko Awaji, Eiko Miyoshi
Musique :Fumio Hayasaka 
Directeur de la photographie : Asakazu Nakai
Montage : Toshio Gotô, Yoshi Sugihara
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(1) Qui marche sur la queue du tigre… (1945), Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946), Vivre dans la peur (1955), Le château de l'araignée (1957), Les bas-fonds (1957), Les salauds dorment en paix (1960), Yojimbo (1961), Entre le ciel et l'enfer (1963).

(2) Le plus dignement (1944), Un merveilleux dimanche (1947), L'ange ivre (1948), Chien enragé (1949), Vivre (1952), La forteresse cachée (1958), Sanjuro (1962) et Barberousse (1965).

(3) Pour cette séquence, Kurosawa a utilisé des plans provenant d'un documentaire réalisé par Ishirô Honda, futur réalisateur de Godzilla.
 

La forteresse cachée - Akira Kurosawa (1958)

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Dans le cadre de la seconde rétrospective (1) consacrée à Akira Kurosawa débutée le 25 janvier dernier, il est désormais possible de (re)voir sur grand écran en copie restaurée La forteresse cachée, premier film au format panoramique du cinéaste, et lauréat de l'Ours d'argent du meilleur réalisateur au festival de Berlin en 1959. Succès critique et populaire lors de sa sortie, le film laissait le cinéaste quitter momentanément l'univers sombre et pessimiste de ses précédentes adaptations qui lui valurent des échecs commerciaux, Le château de l'araignée et Les Bas-Fonds (2), pour aborder un sujet plus léger et à grand spectacle de son propre aveu. D'une histoire originale se situant dans le Japon féodal du 16ème siècle, La forteresse cachée eut un impact notable sur le cinéma mondial tant sa réalisation et le traitement de son sujet étaient novateurs, une influence qui dépassa les frontières et les époques, à l'instar d'un certain George Lucas qui s'en inspira pour créer sa trilogie Star Wars. A (re)découvrir.
 
Japon, 16ème siècle. La guerre opposant les clans Yamana et Akizuki s'est conclue par la défaite de ce dernier. Tahei (Minoru Chiaki) et Matashichi (Kamatari Fujiwara), deux paysans pauvres et querelleurs cherchent à contourner la ligne de front pour retourner chez eux. Après s'être échappés du château des Akizuki où ils étaient emprisonnés et forcés à retrouver le trésor de 5 000 pièces d'or du clan vaincu, les deux hommes découvrent dans une rivière un morceau d'or dans une branche d'arbre. Peu de temps après, ils font la rencontre d'un homme dont ils ignorent la véritable identité, qui n'est autre que le général Rokurota Makabe (Toshirô Mifune), l'un des derniers survivants des Akizuki, et en charge de la protection de la Princesse Yuki Akizuki (Misa Uehara), héritière du clan...
    
  
D'un scénario évoquant Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre, réalisé par Akira Kurosawa en 1945 (3), inspiré de l'histoire vraie au 12ème siècle du seigneur Minamoto no Yoshitsune qui accompagné de ses samouraïs dut fuir Kyoto et les hommes de son demi-frère Yoritomo désormais à la tête du clan familial, le metteur en scène japonais signe avec La forteresse cachée une fresque épique d'une richesse rarement égalée. Tourné en grande partie en décors naturels, ce premier film du réalisateur des Sept samouraïs au format large anamorphosé, plus précisément en TohoScope du nom du studio nippon, confirme une fois encore sa maîtrise visuelle unique : objectifs de longue focale, caméras multiples, format large, toutes ces techniques confèrent à rendre certaines scènes des allures de véritables tableaux, Akira Kurosawa exploitant au maximum les possibilités offertes par la profondeur de champ ou le nouveau format (par exemple lors de la scène du duel entre les deux généraux Makabe et Tadokoro). 

De même, La forteresse cachée conforte le soin particulier qu'apportait le cinéaste à ses scénarios. Derrière une apparente simplicité, ou le périple d'une princesse accompagnée d'un fidèle général et deux paysans devant traverser les lignes ennemies pour pouvoir rejoindre leurs terres, l'histoire entrecroise avec brio les genres et les niveaux de lecture. Film d'aventure mêlant action et humour, le scénario écrit à huit mains (Hideo Oguni, Shinobu Hashimoto et Ryûzô Kikushima ont coécrit avec le réalisateur le scénario du Château de l'araignée, tandis que les deux premiers sont également les coauteurs de celui des Sept samouraïs) alterne autant les moments burlesques que dramatiques. A ce titre, les deux paysans apportent une touche de légèreté manifeste, leurs nombreuses disputes, motivées ou non par leur cupidité et leur lâcheté, les définissent par essence comme des personnages comiques ; manipulés par le noble général Rokurota Makabe, qui utilise leur soif de l'or pour transporter le trésor du clan en lieu sûr, Tahei et Matakishi pourraient apparaître rapidement comme de simples bouffons. Or ils n'en demeurent pas moins dangereux du fait de leur faiblesse et pauvreté : peu digne de confiance, sans illusion, ils sont prêts à tout moment à s'enfuir avec le trésor ou à dénoncer leurs camarades de fortune. Moderne par son traitement narratif où nul personnage est blanc ou noir, La forteresse cachée l'est également par l'introduction du personnage de la princesse Yuki. Féministe avant l'heure, l'héritière Akizuki, qui fut élevée comme un garçon par son père, lutte pour la survie de son clan, n'hésitant pas à remettre en cause les traditions paternalistes comme le sens de l'honneur et du sacrifice de ses sujets. 

 
Comme indiquée en préambule, si le film eut une influence manifeste par la suite, La forteresse cachée, contrairement àYojimbo ou aux Sept samouraïs, n'a pas connu d'adaptation directe en Europe ou Outre-Atlantique. Quant au rôle que joua le chef d'œuvre de Kurosawa sur George Lucas, ce dernier eut l'intelligence de s'en inspirer en transposant plusieurs éléments sans effectuer de copier-coller. Au-delà de l'histoire qui rappelle le film de 1977, Lucas indiqua maintes fois s'être davantage inspiré des deux paysans comme source des deux droïdes C-3PO et R2-D2, le récit dans les deux films étant vu par les personnages les plus faibles ; et une influence qui touchera toutefois l'ensemble de la trilogie, la poursuite à cheval du général Makabe évoquant étrangement une autre poursuite en speeder sur Endor dans Le Retour du Jedi (1983)...
  
Un classique.






Crédit photos : LA FORTERESSE CACHÉE © 1958, TOHO Co., Ltd. Tous droits réservés.


Kakushi-toride no san-akunin (La forteresse cachée) | 1958 | 139 min
Réalisation : Akira Kurosawa
Scénario : Ryûzô Kikushima, Hideo Oguni, Shinobu Hashimoto & Akira Kurosawa
Avec : Toshirô Mifune, Misa Uehara, Minoru Chiaki & Kamatari Fujiwara
Musique : Masaru Satô
Directeur de la photographie : Kazuo Yamazaki
Montage : Akira Kurosawa
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(1) Le plus dignement (1944), Un merveilleux dimanche (1947), L'ange ivre (1948), Chien enragé (1949), Vivre (1952), La forteresse cachée (1958), Sanjuro (1962) et Barberousse (1965).

(2) Ces deux films étaient inclus dans la première rétrospective de mars 2016 avec : Qui marche sur la queue du tigre… (1945), Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946), Vivre dans la peur (1955), Les salauds dorment en paix (1960), Yojimbo (1961), Entre le ciel et l'enfer (1963).

(3) Censuré par les autorités d'occupation américaines, le film ne sortit que sept ans plus tard, soit une année après le Traité de San Francisco (ou Traité de paix avec le Japon) provoquant la fin de l'administration militaire des forces alliées (SCAP) qui était chargée de gérer l'occupation de l'archipel.

Barberousse - Akira Kurosawa (1965)

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Deuxième volet de sa trilogie dite « de la misère », après Les Bas-Fonds (1957) et avant Dodes'ka-den (1970), Barberousse signe la fin de la collaboration entre Akira Kurosawa et son acteur fétiche Toshirô Mifune, long métrage pour lequel Mifune remporta la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la Mostra, quatre années après sa première récompense à Venise en 1961 pour Yojimbo également réalisé par Kurosawa. Adaptation du roman éponyme de l'écrivain Shûgorô Yamamoto (1) et de Humiliés et offensés de l'écrivain russe Dostoïevski, ou l'une des influences majeures du cinéaste japonais, Barberousse parachève la fin d'un cycle initié vingt ans auparavant, le film marquant l'arrêt d'une période d'intense productivité pour Akira Kurosawa, le réalisateur japonais tournant quasiment au rythme d'un film par an depuis La Légende du grand judo en 1943 (vingt-quatre films en vingt-deux ans). A (re)découvrir dans les salles en copie restaurée depuis le 25 janvier.    

Tokyo, quartier de Koishikawa, début du 19ème siècle. Le jeune docteur Noboru Yasumoto (Yûzô Kayama) vient de finir de brillantes études de médecine dans une école hollandaise à Nagasaki, et se prépare à être affecté au poste prestigieux de médecin personnel du Shogun. Contre toute attente, il est nommé dans un dispensaire d'un quartier défavorisé de la capitale tenu par le docteur Kyojio Niide (Toshirô Mifune), surnommé Barberousse à cause de la couleur de sa barbe. Se sentant rabaissé, Yasumoto refuse dans un premier temps d'exercer la médecine dans l'espoir d'être renvoyé. Mais la personnalité de Barberousse, un homme à l'apparence sévère mais plein de compassion et entièrement dévoué à ses patients, et les patients qu'il va croiser, tous victimes de la misère sociale et humaine, lui ouvrent les yeux et remettent en question ses aspirations et sa responsabilité de médecin...


Film-fleuve de plus de trois heures, d'un premier chapitre centré sur Yasumoto, personnage principal du film (bien que le titre laisse présager le contraire), de sa rébellion à sa « rédemption », à un second chapitre basé sur la renaissance physique et morale de la jeune Otoyo (Terumi Niki) sauvée par Barberousse d'une maison close (segment inspiré par l'œuvre précitée de Dostoïevski), Barberousse a la caractéristique première d'être ainsi divisé en deux parties distinctes, séparées par un entracte musical. A l'instar de L'ange ivre ou Chien enragé qui s'inspiraient de l'histoire contemporaine du Japon d'après-guerre, le cinéaste ne cache rien de la misère sociale qui touchaient les quartiers miséreux de la capitale nippone au 19ème siècle. De ce constat brutal sans misérabilisme, le long métrage s'éloigne toutefois du pessimisme des précédents films signés par Kurosawa de par son message humanitariste.

Bonté, sens du sacrifice, par-delà son aspect rustre et froid, Barberousse est dépeint comme un personnage de contraste, n'hésitant pas à défier l'autorité, voire même à user de violence si besoin, pour aider les plus faibles ; Toshirô Mifune qui interprète de nouveau une figure tutélaire non-conformiste, comme il avait déjà pu l'incarner trois ans plus tôt dans la suite de Yojimbo, tandis qu'à l'opposé, Yasumoto, joué par Yûzô Kayama, neveu du chambellan capturé dans Sanjuroet personnage principal du mélodrame de Mikio Naruse Une femme dans la tourmente, incarne la figure du « fils », autrefois dévolu à Mifune quand celui-ci avait pour partenaire Takashi Shimura.

D'une histoire riche en intrigues secondaires, la mort du vieux Rokusuke (Kamatari Fujiwara) ou le destin tragique de Sahachi (Tsutomu Yamazaki), le scénario de Barberousse coécrit avec les fidèles Hideo Oguni et Ryûzô Kikushima (La forteresse cachée, Les salauds dorment en paix), et le nouveau venu Masato Ide, prend donc la forme d'un récit initiatique dans sa première partie où chacun des patients du dispensaire que croisera Yasumoto auront une influence manifeste sur sa perception du métier de médecin, la seconde partie du film et la rencontre avec la jeune Otoyo mettant en lumière quant à elle la thérapie altruiste de Barberousse : le premier remède aux maux, physiques et psychologiques, passe par soigner autrui.
   
Dernier film en noir et blanc du maître japonais (2), Barberousse dévoile une fois encore le perfectionnisme de Kurosawa (le tournage s'est étiré sur deux ans), du cadrage à la photographie, aux décors, chaque détail conférant à rendre le long métrage unique en son genre.

Un classique.





Crédit Photo : BARBEROUSSE © 1965, TOHO Co., Ltd. Tous droits réservés.


Akahige (Barberousse) | 1965 | 185 min
Réalisation : Akira Kurosawa
Scénario : Masato Ide, Hideo Oguni, Ryûzô Kikushima & Akira Kurosawa
Avec : Toshirô Mifune, Yûzô Kayama, Tsutomu Yamazaki, Reiko Dan, Miyuki Kuwano
Musique : Masaru Satô
Directeur de la photographie : Asakazu Nakai, Takao Saitô
Montage :
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(1) Sanjuro (1962), la suite de Yojimbo et Dodes'ka-den sont également des adaptations de romans écrits par l'auteur japonais. 

(2) Barberousse est également le premier film de Kurosawa en stéréo, ce dernier expérimentant les possibilités que pouvaient lui donner les quatre pistes de la stéréo.

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